Notre belle province serait-elle un paradis de la collusion, où les entrepreneurs opportunistes passent leur journée à tenter de tromper le système en élaborant des stratégies complexes et secrètes. Nos gens d’affaires et professionnels qui participent régulièrement aux divers appels d’offres publics arrangent-ils vraiment leurs soumissions par le trucage ou autre manoeuvre illégale ? Peut-être qu’une prochaine enquête sur la construction au Québec, réclamée par une grande partie de la population, mettra un peu lumière sur ce que font vraiment les différents acteurs dans le domaine.
Mais en attendant, les fonctionnaires responsables des nombreux appels d’offres des différents organismes publics du Québec s’efforcent de mettre en application les règles et exigences à leur disposition, dont celle reliée à l’absence de collusion. Il est en effet demandé aux soumissionnaires d’attester qu’il y a absence de collusion dans l’établissement de leur soumission et absence de condamnation en vertu de la Loi fédérale sur la concurrence. S’il est assez facile pour un soumissionnaire d’identifier ce qu’est une condamnation, peut-il aussi aisément savoir ce qu’est une « absence de collusion » ?
Et bien, si on se fie à la récente poursuite intentée cette semaine par les firmes d’ingénierie Genivar inc. et Dessau inc., il semble que pour les fonctionnaires du Ministère des Transports du Québec (MTQ) il n’en faut pas trop pour tomber dans la collusion… En effet, dans le cadre d’un appel d’offres visant la préparation de plans et devis et la surveillance de chantier pour le projet de construction de la voie de contournement nord de la ville de Rouyn-Noranda, la soumission du consortium Genivar/Dessau a été rejetée en raison d’une déclaration inexacte quant à l’absence de collusion. Selon la poursuite de Genivar/Dessau, c’est plutôt l’autre soumissionnaire, le consortium Aecom/Stavibel qui, en déclarant dans sa soumission avoir eu des discussions avec Dessau, sème la pagaille. Dessau n’aurait qu’indiqué à Stavibel ne pas vouloir former de consortium avec elle et qu’en conséquence, ce fait est loin de constituer une quelconque collusion… Genivar/Dessau accuse le MTQ d’agir illégalement, en interprétant de façon arbitraire et déraisonnable les attestations contradictoires des soumissionnaires.
Cette situation, que le MTQ aura l’occasion de défendre et d’expliquer par leur éventuelle défense, soulève toutefois une difficulté réelle pour les soumissionnaires. En effet, jusqu’où peuvent-ils aller lorsqu’ils ont des discussions pour former des consortiums ou co-entreprises dans le but de répondre à un appel d’offres? Qu’en est-ils des informations échangées si leur soumission n’est pas retenue et que lors d’un autre appel d’offres, les co-entreprises soumissionnent séparément?
Mais qu’est-ce que réellement la collusion pour nos organismes publics?