Un bon bailleur est aussi important qu’un bon bail.

En 2005, dans l’affaire Gervais Harding (Gervais Harding et Associés Design inc. c. Placements St-Mathieu et al.), la Cour supérieure nous avait enseigné une leçon bien simple : un bon bailleur est aussi important qu’un bon bail. Nous apprenons, dans une décision du 28 juin 2011 (Massé c. Marina Centre et al.), que cette leçon mérite d’être répétée. En effet, même le bail le mieux négocié n’empêchera pas une partie de se comporter de manière abusive, vexatoire, malveillante, malicieuse, arbitraire, injustifiée, ou autrement répréhensible (la jurisprudence évoque aussi « divers degrés de déplorabilité »). Heureusement, les tribunaux disposent de nombreux outils leur permettant de sanctionner les comportements particulièrement odieux, qui dérogent nettement aux normes ordinaires de bonne conduite.

Ainsi, dans l’affaire Massé, le locataire, qui exploitait une buanderie dans un immeuble multi-résidentiel, a eu droit à une guérilla judiciaire avec son bailleur, après que celui-ci ait réduit son local sans lui octroyer de réduction de loyer, puis changé les serrures et perçu les montants des machines à laver. Le bailleur s’est fondé sur une retenue de loyer de deux mois pour évincer le locataire et ce, même si le bail ne comportait pas de clause permettant au bailleur de résilier le bail unilatéralement, sans ordonnance du tribunal, en cas de défaut du locataire. La Cour supérieure a sanctionné comme suit cette éviction illégale et les procédures judiciaires abusives :

1. Prononcé de la résiliation du bail tel que demandé par le locataire

2. Octroi de dommages-intérêts au locataire pour perte de profits (incluant la période de l’option de renouvellement)

3. Condamnation du bailleur au paiement de dommages-intérêts punitifs pour atteinte aux droits et libertés fondamentaux du locataire (i.e. droit à la jouissance paisible des lieux loués)

4. Condamnation du bailleur aux frais judiciaires et extra-judiciaires

5. Levée du voile corporatif et condamnation personnelle de l’actionnaire du bailleur

6. Exécution provisoire du jugement nonobstant appel

Bien sûr, les immeubles peuvent être vendus – et il faut même présumer que ce sera le cas au cours d’un bail, la détention à long terme d’immeubles commerciaux n’étant plus la norme. Par conséquent, le fait de signer un bail avec un « bon bailleur » ne garantit pas que ce bailleur sera le même au cours de toute la durée du bail. Cependant, les locataires peuvent tenter de se prémunir contre de tels déboires par divers moyens, dont les suivants :

1)  Les locataires qui jouissent d’un pouvoir de négociation suffisant peuvent tenter d’inclure dans le bail une clause de « défaut du bailleur », incluant éventuellement des dommages liquidés et d’autres mécanismes visant à prévenir les comportements abusifs de la part du bailleur, incluant les atteintes à la jouissance paisible des lieux loués.

2) Les locataires devraient s’enquérir auprès de leurs courtiers immobiliers, avocats, notaires et autres conseillers (et, si possible, auprès d’autres locataires), de la réputation des bailleurs avec lesquels ils ont l’intention de conclure une convention de location. En effet, entre un local situé dans un immeuble détenu par un « bon bailleur » et un local situé dans un immeuble appartenant à un bailleur qui a fait preuve d’un comportement répréhensible par le passé, le choix devrait être simple. Le taux de loyer au pied carré ne devrait pas être la seule considération, car des économies en termes de coût au pied carré peuvent être annihilées par la perte de temps et d’énergie générée par un bailleur sans scrupules.