La décision concernant l’évaluation du Centre Bell est portée en appel

Le Tribunal administratif du Québec (Section des affaires immobilières, en matière de fiscalité municipale) a rendu une décision importante, le 8 juillet 2011, en ce qui a trait à l’évaluation foncière du Centre Bell.

Les recours initiaux des propriétaires du Centre Bell furent exercés à l’encontre des deux rôles fonciers, soient le rôle foncier triennal 2004-2005-2006 et le rôle foncier quadriennal 2007-2008-2009-2010.

Il est à souligner que les parties étaient loin d’avoir des vues rapprochées en ce qui a trait à l’évaluation foncière du Centre Bell. En effet, entre 2004 et 2006; la Ville de Montréal prétendait que le Centre Bell valait 193 000 000 $, alors que les propriétaires prétendaient qu’il valait 49 500 000 $; le Tribunal administratif du Québec a finalement tranché, pour cette période, en décrétant une valeur de 139 000 000 $. Des écarts similaires étaient applicables pour la période 2007 à 2010, inclusivement; en effet, pour cette période la Ville de Montréal prétendait que le Centre Bell valait 230 000 000 $, alors que les propriétaires prétendaient qu’il en valait 60 500 000 $; le Tribunal administratif du Québec a finalement tranché, pour cette période de 2007 à 2010, en décrétant une évaluation de 172 000 000 $.

L’audition des recours a nécessité 154 jours d’audience. 681 pièces furent déposées en preuve auprès du Tribunal administratif du Québec, le tout représentant des milliers de pages. Les plaidoiries comptent à elles seules plus de 700 pages, excluant les autorités. De ces 681 pièces déposées en preuve, 49 ont fait l’objet d’une ordonnance de confidentialité, en vue de protéger les droits de tiers non parties au litige.

Des experts, évaluateurs agréés, ingénieurs, économistes seniors en construction, comptables agréés et fiscalistes ont également été entendus. Cette panoplie d’experts est nécessaire, dans ce type de dossier, pour exposer clairement les caractéristiques, tant légales, physiques qu’économiques, de même que les attributs exceptionnels d’une unité d’évaluation comme le Centre Bell, que l’ont peut aisément qualifier de hors-norme et de fort complexe.

Essentiellement, dans le cadre d’un tel exercice, le Tribunal administratif du Québec doit vérifier l’exactitude de la valeur inscrite au rôle, et ce, dans le cadre prescrit par les articles 42 à 46 de la Loi sur la fiscalité municipale.

Il y a lieu de rappeler que c’est la valeur réelle qui doit servir de base à toute inscription au rôle foncier et cette dernière correspond à la valeur d’échange sur un marché libre et ouvert à la concurrence, soit le prix le plus probable qui peut être payé lors d’une vente de gré à gré, alors que les vendeurs et acheteurs sont bien informés tant de l’état de l’unité d’évaluation, de son utilisation optimale que des conditions du marché et qu’ils désirent respectivement vendre et acheter sans y être obligés.

L’article 44 de la Loi sur la fiscalité municipale précise qu’il faut toujours se référer aux conditions du marché prévues à l’article 43 de la Loi sur la fiscalité municipale, et ce, même lorsqu’il s’agit d’un immeuble exceptionnel qui n’est pas susceptible d’être l’objet d’une vente de gré à gré. Il faut aussi tenir compte de façon objective de l’incidence que peut avoir sur son prix de vente le plus probable la considération des avantages et désavantages propres.

Finalement, l’article 46 de la Loi sur la fiscalité municipale dicte de rechercher la valeur réelle au 1 juillet du deuxième exercice financier qui précède le premier de ceux pour lesquels le rôle est fait. À titre d’exemple, en ce qui a trait à la valeur inscrite au rôle foncier triennal 2004-2005-2006, il faut rechercher cette valeur au 1 juillet 2002; en ce qui a trait à la valeur inscrite au rôle foncier quadriennal 2007-2008-2009-2010, il faut rechercher cette valeur au 1 juillet 2005.

Il est à noter que, dans le cadre de ce débat, les parties étaient en accord pour affirmer que l’usage le meilleur et le plus avantageux de la propriété correspondait à son usage actuel, soit un usage d’aréna, dont le coefficient d’occupation au sol est limité à quatre par la réglementation en place.

Il est intéressant, ici, de rappeler que la contestation de l’évaluation foncière par le propriétaire d’un immeuble a pour effet de faire tomber la présomption de validité de l’inscription au rôle d’évaluation foncière. Ainsi, dans cet exemple précis, l’inscription au rôle foncier triennal 2004?2005-2006 était de 150 000 000 $; les propriétaires, en contestant cette évaluation, ont fait tomber la présomption de validité de cette inscription au rôle foncier, permettant ainsi à la Ville de Montréal de prétendre que le Centre  Bell ne valait pas 150 000 000 $, mais 193 000 000 $. Ainsi, comme l’énonçait le Tribunal administratif du Québec dans l’affaire Domtar c. La Ville de Windsor (2008 QCTAQ12630, non contestée sur ce point), la présomption étant disparue, elle cède alors le pas à un débat pur et simple entre les parties portant sur la valeur à inscrire. Le Tribunal administratif du Québec n’accorde alors plus aucune importance aux valeurs inscrites au rôle foncier.

Il est également intéressant de noter que, après analyse, le Tribunal administratif du Québec a retenu les désuétudes fonctionnelles incurables suivantes, à l’égard du Centre Bell (en d’autres termes, des montants furent déduits de l’évaluation pour tenir compte des désuétudes fonctionnelles incurables suivantes) : a) une servitude de passage, dans un couloir localisé au niveau 2 supérieur, qui a été aménagé par le propriétaire, afin de permettre la libre circulation entre la gare des trains de banlieue et l’accès à la salle des pas perdus de la gare Windsor (800 000 $); b) la présence de contreforts, en raison de la dénivellation du site, laquelle fut à la source de coûts additionnels de construction (700 000 $) ; c) la poutre de soutien du viaduc des trains de banlieue, lequel viaduc s’appui sur le bâtiment du Centre Bell, ce qui a nécessité une imposante poutre de soutien incorporée au mur du bâtiment le long de la rue de la Montagne (800 000 $); d) lors de la construction du Centre Bell, dans le but d’augmenter la quantité de spectacles, un gril technique a été accroché à la structure du toit (1 200 000 $); e) les contraintes d’exiguïté du site ont nécessité de sur-dimensionner la dalle de la patinoire pour un usage temporaire, puisqu’elle a servi de plateforme de travail pour supporter la machinerie lourde durant la construction (100 000 $); f) alors que la majorité des lignes de métro courent sous des assiettes de rues, le Centre Bell est pour sa part érigé au-dessus d’une telle ligne, ce qui a nécessité l’ajout d’une poutre de transfert des charges, afin de protéger le tunnel du métro, l’installation de cette poutre de transfert ayant permis de renvoyer les charges sous le tunnel du métro (300 000 $); g) le dénivelé du terrain est à la source d’un autre élément de sur-construction qui serait sans valeur ajoutée pour le bâtiment (200 000 $); h) pour les bâtiments de grand gabarit qui s’apparentent au Centre Bell, les coûts des dispositions parasismiques sont plus élevés que pour des immeubles plus conventionnels, tels que les immeubles à bureaux (160 000 $); i) étant donné qu’il s’agit d’un ouvrage unique et que la construction s’est faite en mode accéléré (5 900 000 $).

Dans le cadre de son travail, le Tribunal administratif du Québec tente de déterminer, notamment en procédant à une analyse exhaustive des éléments ci-dessus mentionnés, la méthode d’évaluation qui doit être retenue, soit celle basée sur le coût, la méthode de comparaison ou la méthode du revenu.

En retenant chacune des indications dérivées de la méthode de revenu, ainsi que celles provenant de l’analyse d’une vente du Centre Bell ayant eu lieu en 2001, le Tribunal administratif du Québec en vient à la conclusion que la valeur réelle de l’unité d’évaluation en cause était de 139 000 000 $ en date du 1 juillet 2002 et de 172 000 000 $ en date du 1 juillet 2005.

Cependant, tel que mentionné ci-dessus, le débat de tous ces principes sera à refaire dans le cadre de l’appel ayant été fait de cette décision.