Sino-Forest et les questions d’interdiction de transaction

 

 

Je fais suite à un billet précédent traitant d’un avis de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (OSC) suite à l’affaire Sino-Forest. Depuis cet avis, l’OSC a progressé lentement dans son enquête afin de tenter d’établir s’il y a fraude dans ce dossier. Au cours de son enquête, l’OSC a initialement rendu une ordonnance d’interdiction temporaire afin de suspendre les transactions sur les titres visant cinq dirigeants de Sino-Forest qu’elle soupçonne de fraude. Par la suite, l’OSC a étendu le 26 août dernier l’ordonnance d’interdiction de transaction sur l’ensemble des titres de Sino-Forest jusqu’au 25 janvier 2012. Toute cette saga soulève plusieurs questions, j’en aborde trois dans ce billet.

1. Pourquoi interdire les transactions à ce stade?

Il est important de mentionner qu’aucune des allégations n’a encore été prouvée devant les tribunaux. Dans ce contexte, on peut se questionner si l’ordonnance d’interdiction de transaction sur l’ensemble des titres est souhaitable à ce stade. L’ordonnance d’interdiction protège les acheteurs potentiels d’actions de Sino-Forest mais punit et empêche les actionnaires actuels de transiger. On peut présumer que les informations rassemblées par le personnel de l’OSC sont suffisamment importantes et de nature grave afin de justifier une telle décision.

2. Pourquoi les actionnaires américains ont-ils pu continuer à transiger pendant que les actionnaires canadiens étaient assujettis à l’interdiction de transaction?

Il est intéressant de noter dans ce dossier la différence quant à l’échéancier des interdictions de transaction au Canada et aux États-Unis. Suite à l’ordonnance d’interdiction de l’OSC sans préavis, les actionnaires canadiens ont vu l’action clôturer à 4,81$ sans pouvoir réagir. Par ailleurs les autorités réglementaires américaines ont attendu quelques jours pour rendre une ordonnance similaire ce qui a permis aux actionnaires américains de transiger plus de 15,7 millions d’actions! Les autorités réglementaires au Canada et aux États-Unis devraient mieux harmoniser les fermetures et ouvertures des fenêtres de transaction dans un souci d’harmonisation de protection et de ne pas avantager ou pénaliser, selon le cas, les actionnaires sur la simple base de leur juridiction de résidence.

3. Que faire avec les détenteurs d’options de vente?

Il est également intéressant de noter qu’avant la date actuelle de fin de l’interdiction, soit le 25 janvier 2012, plusieurs actionnaires avaient décidé de se prémunir contre une baisse du cours de l’action en achetant des options de vente visant leurs actions de Sino-Forest. Et bien ces détenteurs ne pouvaient plus exercer leurs options de vente qui étaient assujetties à l’ordonnance d’interdiction et expiraient avant la fin de l’ordonnance. L’OSC a finalement décidé le 15 septembre dernier de permettre à ces détenteurs de vendre leurs actions aux termes de leurs options tout en maintenant l’ordonnance d’interdiction plus élargie. Il est à noter que le peu de contrats de vente, soit 8 993 contrats visant environ 899 300 actions de Sino-Forest (soit moins de 1% des actions en circulation), a grandement influencé cette décision de l’OSC.

L’affaire Sino-Forest continuera à alimenter les discussions et d’autres enjeux surviendront au fur et à mesure de l’évolution de l’enquête de l’OSC. À suivre!