L’avenir des régimes de retraite municipaux

Un des sujets de l’heure en matière de relations de travail est sans aucun doute la situation préoccupante des régimes de retraite municipaux au Québec. Divers articles et reportages ont d’ailleurs été diffusé à ce sujet dont notamment, dans le quotidien La Presse sous la plume de Michel Girard, sur les ondes de la Première chaine de Radio-Canada dans le cadre de l’émission « Classe économique » et dans un article de Mme Mélanie Destrempes publié dans l’édition de novembre du magazine URBA.

De ces différentes sources, on apprend notamment que 105 municipalités du Québec offrent un régime de retraite à prestations déterminées à leurs employés. Le passif total des ces régimes ou en d’autres termes les engagements pris envers les employés au titre des rentes de retraite est de 21,3 milliards $. Le problème est que les actifs pour assumer ces engagements ne sont que de 18,3 milliards $ pour un déficit total de 3 milliards $. Pour remettre ces chiffres en perspective, Mme Destrempes rappelle dans son article que le budget total de l’ensemble des municipalités du Québec était de 14 milliards $ en 2009 et que la dette totale de celles-ci s’élevait alors à 20 milliards $.

Et la situation ne risque pas de s’améliorer. En effet, l’émission « Classe économique » nous apprenait qu’à l’heure actuelle, 57 % des employés bénéficiant des régimes de retraite municipaux sont retraités. En d’autres termes, seulement 43 % des employés bénéficiant des régimes de retraite municipaux y cotisent. Quand on sait que les municipalités sont aujourd’hui à l’ère de la rationalisation, que les employés vivent de plus en plus longtemps et que les rendements élevés sont probablement chose du passé, difficile d’être optimiste.

Il n’en fallait pas plus pour que plusieurs municipalités annoncent des augmentations de taxes éminentes pour financer les déficits. Les représentants des travailleurs vous diront qu’il s’agit d’avantages qu’ils ont négociés au fil des ans et que lorsque les rendements étaient au rendez-vous, plusieurs municipalités cotisaient peu ou pas grâce aux surplus générés et aujourd’hui, elles voudraient éviter d’avoir à payer la facture qui découle en partie de leurs décisions passées.

Cela étant dit, une municipalité n’est pas une entreprise qui génère des profits à même ses activités. C’est plutôt aux citoyens que la facture est ultimement refilée. Et dans un contexte où les citoyens québécois sont déjà lourdement taxés, ne bénéficient pas, pour la plupart, de ce type de régime, et on vu leurs RÉER fondre au cours des dernières années, comment justifier qu’ils doivent payer davantage de taxes pour permettre aux travailleurs municipaux de jouir, à la retraite, d’avantages auxquels ils ne peuvent que rêver.

Qu’on fait les entreprises privées face à une telle situation? Beaucoup d’entre eux ont opté pour un régime de retraite à cotisations déterminées ou tout bonnement, un RÉER collectif. Mais cette solution est pratiquement impensable dans le secteur municipal. En effet, comme le soulignait le président de l’Union des municipalités du Québec et maire de Rimouski, monsieur Éric Forest, dans l’article de La Presse, les employeurs du secteur municipal n’ont pas le « luxe » de pouvoir menacer leurs employés de fermer la ville et d’aller s’établir au Mexique si le régime à prestations déterminées n’est pas remplacé, par exemple, par un régime à cotisations déterminées.

Et du reste, est-ce la meilleure solution? Dans une chronique publiée dans le National Post, monsieur John Crocker, président et chef de l’exécutif du Healthcare of Ontario Pension Plan (HOOPP) mets en garde sur les conséquences de l’abandon des régimes à prestations déterminées pour la société. Il souligne que dans plusieurs pays qui ont abandonné les régimes à prestations déterminées, on remarque une nette croissance de la pauvreté à la retraite, les travailleurs étant souvent peu outillés pour planifier leur avenir.

Cela dit, encore faut-il se doter de régimes raisonnables en termes de coûts puisque à la fin de la journée, ce sont les citoyens qui doivent payer la facture. Dans le secteur municipal ontarien, le régime OMERS (Ontario Municipal Employees Retirement System) fournit une option intéressante puisqu’il prévoit, tout comme le HOOPP, que le financement des déficits est réparti entre les employés et les employeurs. En d’autres termes, en cas de déficit, les municipalités ne sont pas seules a assumer la facture. Étant conjointement responsables, il plus facile de s’entendre sur des changements au régime permettant de conserver les coûts à un niveau raisonnable.

Le régime OMERS a aussi l’avantage d’être un régime multi-employeurs ce qui permet de réduire les coûts de l’administration du régime et de la gestion des actifs qui viennent souvent miner les rendements déjà faibles des régimes. Ce type de régime permet aussi la répartition du risque sur un plus grand nombre de participants et d’employeurs. Selon le site de OMERS, ce régime couvre actuellement 931 employeurs et plus de 400 000 travailleurs, retraités et bénéficiaires. On y indique également qu’à la fin de 2010, le déficit du régime était de 4,5 milliard $ pour des actifs de 53 milliards $ à cette même date. En d’autres termes, le ratio déficit/actifs était de 8,5% contre 16,4% dans le cas des 105 régimes de retraite municipaux. Et rappelons que dans le cas du régime OMERS, la remboursement du déficit est la responsabilité non seulement des employeurs mais également, des employés.

La tâche ne sera définitivement pas simple pour les municipalités mais le temps d’agir est maintenant. Et il y a certes une lueur d’espoir puisque selon l’article de Mme Destrempes, certaines municipalités, dont la ville de Rimouski, ont déjà réussi à négocier avec certains de leurs groupes de travailleurs un partage à 50/50 du déficit de capitalisation. Il reste à voir combien de municipalités seront en mesure d’emboiter le pas.

N.B. Je tiens à remercier mon collègue, Me Mark Newton, avocat spécialisé en matière de régimes de retraite, pour son assistance à la préparation du présent blogue.