Contrat à commandes: peut-on évaluer la qualité des soumissions?

Le contrat à commandes devient de plus en plus populaire, surtout auprès des regroupements d’achat. Il se révèle en effet comme un véhicule d’approvisionnement intéressant à plusieurs égards. Le contrat à commandes offre  une solution d’approvisionnement facile en  simplifiant l’acquisition de certains produits, avec un ou plusieurs fournisseurs, à des prix déterminés,  sans préciser à l’avance la quantité exacte qui sera commandée ni les dates de commande. De plus,  le contrat à commandes assure d’une certaine façon la disponibilité de ces produits.

Ces deux objectifs apparaissent clairement dans le Règlement sur les contrats d’approvisionnement des organismes publics (c. C-65.1, r. 2 )  qui indique, entre autres,  que si le contrat à commandes est conclu avec plusieurs fournisseurs, les commandes sont attribuées au fournisseur qui a soumis le prix le plus bas et si ce fournisseur ne peut y donner suite,  les autres fournisseurs sont sollicités en fonction de leur rang respectif. Toutefois, Il est  également prévu que l’acheteur pourrait solliciter  l’un ou l’autre des fournisseurs dont la soumission a été jugée recevable, quel qu’ait été son rang, si les deux conditions suivantes sont remplies: d’une part, le prix soumis par ce fournisseur n’excède pas de plus de 10% le prix le plus bas (donc, celui du fournisseur ayant remporté l’appel d’offres)  et  d’autre part, cette règle d’adjudication  a été autorisée par le dirigeant de l’organisme avant la diffusion de l’avis d’appel d’offres.

Concernant la règle d’attribution du contrat à commandes, le Règlement souligne qu’il est attribué selon «le prix le plus bas». Mais,  on peut légitimement se poser la question de savoir si le contrat à commandes peut être aussi attribué à la suite d’une évaluation qualitative des soumissions.

En effet, si l’exclusion de la règle d’adjudication basée sur «le prix ajusté le plus bas» nous semble à priori évident, il n’en demeure pas de même pour celle basée sur l’évaluation de la qualité minimale  dont on sait qu’elle débouche aussi sur une adjudication du contrat selon «le prix le plus bas». Sous ce rapport, on pourrait croire que le contrat à commandes peut être attribué non seulement à la suite d’une sollicitation de prix uniquement, mais aussi dans le cas où le donneur d’ordre sollicite un prix avec une démonstration de la qualité minimale. Or, cette interprétation n’est pas celle retenue par le Secrétariat du Conseil du trésor qui exclut toute possibilité de procéder à une évaluation qualitative dans le cadre de l’attribution d’un contrat à commandes.

Au terme d’une analyse exégétique du Règlement, le Secrétariat du Conseil du trésor en arrive à la conclusion que dans le cas d’un contrat d’approvisionnement, un donneur d’ouvrage aura la possibilité de solliciter uniquement un prix (art.10), de conclure un contrat à commandes avec un ou plusieurs fournisseurs sans évaluer la qualité (art. 16 à 18) ou encore de conclure un contrat adjugé à la suite d’une évaluation de la qualité (art. 19 à 26). Par conséquent, il n’est pas possible d’évaluer la qualité pour un contrat à commandes.

De l’avis du  Secrétariat du Conseil du trésor, et dans l’état actuel du droit, si un organisme public désire procéder à une évaluation de la qualité dans le cadre d’un contrat à commandes, il devra au préalable avoir obtenu une dérogation de son ministre responsable en vertu du second alinéa de l’article 25 de la Loi sur les contrat des organismes publics (LCOP). Or, selon l’article 23 al. 2 de la LCOP, le ministre responsable désigné pour donner cette autorisation aux organismes publics visés aux paragraphes 1° à 4° du premier alinéa de l’article 4 ou par un organisme visé à l’article 7, est le Conseil du trésor. De même, l’article 27.1 de la LCOP confie au président du Conseil du trésor la mission de vérifier si l’adjudication et l’attribution des contrats par un organisme visé par la LCOP ainsi que l’application par celui-ci des différentes mesures de gestion contractuelle touchant ces contrats respectent les règles établies en vertu de cette loi. C’est dire que le poids de l’interprétation donnée par le  Secrétariat du Conseil du trésor n’est pas à négliger. Donc, à bon entendeur …salut!