Restreindre son risque

Si vous lisez régulièrement mes chroniques, vous savez que nous sommes présentement dans une période où notre Cour d’appel est très généreuse envers les requérants en autorisation (j’ai peine à même garder le compte du nombre de recours collectifs dont l’autorisation a été refusée en première instance, pour ensuite être acceptée en appel). Mais c’est loin de vouloir dire que la cause d’une partie intimée à l’autorisation est perdue. En effet, si la Cour d’appel (et la Cour supérieure suivant ses enseignements) penche assez clairement du côté de l’autorisation, elle a également adoptée une approche assez restrictive sur ce qui est autorisé. Dans ce contexte, restreindre la portée d’un recours est parfois un objectif plus réaliste que d’en contester l’autorisation.

À ce chapitre, on pense bien sûr à restreindre le groupe autorisé, mais aussi à limiter les questions qui seront traitées de manière collective. De cette façon, on peut restreindre l’ampleur du recours et le risque couru au mérite.

La question des dommages punitifs ou exemplaires se prête très bien à cet exercice puisque, en droit québécois, l’attribution de ces dommages doit être autorisée par un texte législatif exprès. Cela fait donc de la disponibilité des dommages punitifs dans un contexte donné un pure question de droit, laquelle peut souvent facilement être tranchée par le juge de l’autorisation.

En droit de la consommation, la bataille est presque toujours perdue étant donné l’interprétation très large qui est maintenant donnée à l’article 272 L.p.c., mais, hormis ce contexte, la partie intimée a souvent de bons arguments.

C’était le cas dans l’affaire Maltais c. Hydro-Québec (2012 QCCS 3291) où l’intimée, à défaut de contester avec succès l’autorisation, a réussi à faire retrancher les dommages punitifs réclamés.

Dans cette affaire, la Cour était saisie d’une requête pour autorisation d’exercer un recours collectif pour le compte des membres d’un groupe relativement aux dommages que les membres auraient subis suite à l’implantation du nouveau système informatique de l’intimée.

Se basant sur l’article 6 de la Charte québécoise, les requérantes recherchent des dommages punitifs résultant de la privation de leur propriété, i.e. leur argent.

L’honorable juge Michel Déziel autorise le recours collectif, mais il retranche la conclusion en dommages punitifs. En effet, la privation d’une somme d’argent n’est pas susceptible de donner lieu à l’attribution de dommages punitifs selon lui. Bien qu’il n’élabore pas plus amplement sur la question, le juge Déziel aurait pu également référer à la jurisprudence de la Cour d’appel qui indique clairement que la privation d’une somme d’argent n’équivaut pas à la privation d’un droit de propriété au sens de l’article 6 (voir le texte que j’ai déjà écrit sur mon blogue à cet égard ici: http://bit.ly/LyMHgm).

Un bel exemple de la diminution du risque au mérite.