Combien vaut votre cabinet?

Au mois de juillet dernier, le Journal du Barreau résumait une conférence donnée au congrès du Barreau par le bâtonnier sortant, Me Louis Masson et Me Catherine Morissette. En rubrique, on y mentionne que Me Masson croit que le recours au financement public par des cabinets d’avocats au Québec est possible, entre autres suite à l’avénement de sites web qui facilitent encore davantage le financement à l’échelle micro (tel que Kickstarter).

Présentement, le financement des cabinets provient majoritairement des poches des associés et des bonnes grâces des banquiers. Force est cependant d’admettre que l’idée de céder une portion des cabinets à des non-juristes ne semble pas folle, ne serait-ce que pour permettre aux cabinets d’investir dans divers projets pour supporter la vente d’heures…

Or, si nous voulons céder des parts de notre cabinet, il faudrait d’abord savoir combien celui-ci vaut. Le hic, c’est que très peu de cabinets établis sont vendus dans des transactions publiques, ce qui limite le nombre de comparables sur lesquels nous pouvons baser notre évaluation.

Essayons autre chose, donc. Peut-être pouvons-nous regarder du côté des notaires? En effet, la vente d’une étude de notaire est chose plutôt courante avant une retraite bien méritée…

Il y a un problème, cependant. Si je choisis d’investir dans un bureau de juristes, c’est que j’investis dans les juristes de ce cabinet. Je ne suis donc pas prêt à payer le même montant pour le bureau sans les mêmes juristes, ce qui veut dire que les études de notaire sont probablement habituellement vendues à escompte lorsque cette vente vient peu de temps avant la retraite de la ou du notaire principal(e). Ça ne nous avance donc pas beaucoup.

Nous trouvons plus d’information utile en Australie, plus particulièrement du côté du cabinet Slater & Gordon, qui serait le premier cabinet sur la planète à avoir fait un appel public à l’épargne. Dans les derniers états financiers de ce dernier, on découvre que les revenus de la dernière année financière, terminée le 30 juin dernier, étaient de près de 218 millions de dollars (AUD) et les profits de près de 25 millions (EBITDA environ 45 millions). Le cabinet a en outre une capitalisation boursière (nombre d’actions X valeur de chaque action) de 325M$, soit 7,2 fois l’EBITDA ou 1,5 fois les revenus.

Ces multiples constituent donc au moins une base de référence pour valoriser votre cabinet, bien qu’une multitude de facteurs auront un impact sur cette valeur. Un exemple: on observe aux états financiers 2012 de Slater & Gordon une augmentation importante des salaires qui a résulté à une diminution des profits par rapport à 2011, malgré l’augmentation des revenus. On présume donc que chaque employé a été un peu moins productif au cours de l’année, ce qui n’est pas idéal pour une entreprise qui rend des services. Il s’agit d’un facteur ayant sans doute contribué à la baisse du cours de l’action dans le courant de l’année, mais des centaines d’autres éléments d’information contribuent à la variation de celui-ci.

Il demeure que, prenant avantage des dollars sur lesquels il était assis, le cabinet australien s’est permis une acquisition spectaculaire en début d’année. Cette transaction m’amène à me poser une question: si les appels publics deviennent la règle dans l’industrie plutôt que l’exception, assisterons-nous à une vague de consolidation planétaire accélérée par rapport à ce que nous avons vu jusqu’ici? Si cette tendance s’accélère, les cabinets américains ne pourront pas rester longtemps sur les lignes de côté.

D’ici là, nous aurons de plus en plus de comparables pour déterminer la valeur de nos cabinets…