Les travaux de réfection des lieux loués lors du renouvellement de bail : qui paye?

Trop souvent, en tant qu’avocat analysant des ententes commerciales, nous sommes confrontés à des textes imprécis ou des clauses contradictoires, parfois même des silences dans le contrat, c’est-à-dire des obligations que les parties n’ont pas pensé mettre par écrit ou plutôt, qu’elles croyaient tellement évidentes qu’elles ont jugé impertinent de les mettre par écrit.

Nous ne répéterons jamais assez souvent qu’il vaut mieux rédiger d’une façon claire et précise, pour éviter les conflits d’interprétation. Pour ma part, je préfère devoir analyser ce qui est maladroitement écrit, que devoir deviner ce qui aurait dû être écrit. La rédaction de clauses concises dirige celui qui interprète le contrat commercial, cerne les obligations des parties et leur intention commune.

En louage commercial, à l’expiration de la durée du bail, parfois, les lieux loués nécessiteront de menues réparations et d’autre fois, de gros travaux de réfection. Dans la dernière éventualité, où de gros travaux doivent être effectués pour que le locataire poursuive ses opérations efficacement, des discussions suivront concernant la teneur des travaux à réaliser pour revamper les lieux loués.  Dans les mois qui précèdent l’expiration du bail (et même souvent plus d’un an avant l’expiration), le locataire devra décider s’il souhaite demeurer dans les mêmes lieux loués ou encore, il pourra explorer si de meilleures opportunités d’affaires s’offrent à lui.

Suite à la lecture d’une jurisprudence récente, j’ai cru bon écrire sur la décision d’un locataire de renouveler son bail commercial et l’importance de préciser « à qui » incombe la responsabilité financière des travaux de réfection devant être apportés aux lieux loués.

Dans l’affaire Garadex[1], une cause présentée devant le juge Alary de la Cour supérieure, les locateurs demandeurs réclament au locataire un remboursement de certains travaux à la toiture des immeubles loués ainsi qu’à la dalle de béton à l’intérieur des lieux loués,  l’imbroglio survenant lors du second renouvellement du bail entre les parties. C’est à compter de 1998 que le locataire et le locateur avaient conclu des baux pour deux localisations distinctes, où le locataire opérait depuis une entreprise d’ébénisterie commerciale.

À l’été 2007, un peu avant la possibilité d’exercer un second renouvellement de ses ententes avec le bailleur, le locataire confie à un courtier le mandat de sonder le marché et d’informer le locataire des opportunités d’affaires pour prendre une décision éclairée de rester ou non dans les lieux loués. Le marché à ce moment favorise le locataire et des options à bon prix s’offrent à lui. Il en profite pour indiquer au locateur une série de travaux qu’il juge essentiels pour renouveler son bail avec ce même locateur. Les travaux sont effectués quelques mois plus tard et les parties s’entendent pour renouveler leurs baux pour une période additionnelle de dix ans. Un peu plus de trois mois après la signature des ententes de renouvellement, le locataire reçoit des factures totalisant un montant de 127 793,93$…notamment pour des travaux à la toiture et à la dalle de béton dans les lieux loués occupés par le locataire.

Le juge instruit de l’affaire constate que les ententes de renouvellement signées entre les parties sont muettes quant à la responsabilité financière des travaux accomplis par le locateur et rejette rapidement l’argument du locataire à l’effet que le locateur n’aurait plus l’intérêt pour réclamer ces sommes puisqu’il a vendu les immeubles (l’acte de vente dénonçait la réclamation du locateur à l’endroit du locataire et l’acheteur n’a posé aucun geste pour reprendre l’instance).

Les parties s’entendent pour affirmer qu’il ne fait aucun doute que le locataire ait exigé des travaux aux lieux loués comme condition aux renouvellements de ses baux, et il y a eu acceptation du locateur de compléter ses travaux pour satisfaire la condition du locataire.

À défaut de texte clair aux ententes de renouvellement sur la répartition des charges résultant des travaux, le juge s’en tient au texte du bail en vigueur entre les parties :

« [53] (…) De plus, le texte des lettres de renouvellement ne change pas la répartition des responsabilités entre le locateur et le locataire quant à l’exécution des travaux sur les immeubles et au paiement des coûts occasionnés.

[54]  Le Tribunal ne retient donc pas qu’une entente indépendante des termes des baux est intervenue entre les parties. »

Bien que le Tribunal rejette une partie de la réclamation du locateur suite à une analyse des baux en cours, le locataire s’est tout de même vu infliger l’obligation de rembourser certains des travaux du locateur (un peu plus de 55 000,00$..! plus les intérêts au taux légal..) pour les lieux loués et relatifs aux demandes du locataire pour renouveler les ententes.

Il aurait donc été prudent pour le locataire de bien déterminer dans un écrit, qu’il renouvellerait ses ententes, à condition que le locateur complète certains travaux…et les paye de sa poche!


[1] 154640 Canada inc., 140927 Canada inc., et Garadex inc. c. 135770 Canada inc., EYB 2011-191992 (C.S)