Les litiges de ventes d’actifs

Dans mon blogue précédent, il était question du processus de vente mis en place dans le cadre du recours à la LACC par Aveos Performance Aéronautique. L’Honorable Louis Gouin a rendu une décision concernant une des ventes qui était contestée et il a qualifié le processus de vente de « sport extrême ».

Une des dernières transactions concernait la vente (cession) d’un nouveau contrat d’entretien de certains moteurs des avions d’Air Canada.  Le contrat devait être cédé à un fournisseur approuvé par Air Canada avant le 15 août 2012 sans quoi, il prenait fin automatiquement et perdait toute valeur.

Après avoir reçu deux offres inconditionnelles de MTU Aero Engines et Lufthansa Technik, deux sociétés allemandes, le Chief Restructuring officer (le « CRO ») négocia séparément avec chacune d’elles pendant deux jours avant de finaliser et accepter l’offre de Lufthansa Technik.  La requête pour vente d’actif est signifiée à l’expiration du délai annoncé dans les rapports du contrôleur, soit le vendredi 10 août 2012, à 17 heures, pour présentation à la Cour dès le mardi 14 août 2012, moins de 24 heures avant l’expiration du contrat.  À l’audition, non seulement MTU Aero Engines, le soumissionnaire déçu, annonce son intention de contester, mais le syndicat des employés s’oppose également ainsi que le gouvernement de la Colombie-Britannique.  En effet, selon le syndicat, MTU Aero Engines effectuera plus de travail au Canada (à Vancouver cependant) que Lufthansa Technik.

L’Honorable Juge Lalonde obtient qu’Air Canada prolonge la date d’expiration du contrat afin de fixer l’audition la semaine suivante, soit les 21 et 22 août 2012 devant l’Honorable Juge Gouin.  Ultimement, l’expiration du contrat est reportée au vendredi 24 août 2012, à 19 heures, deux jours à peine après que le Juge Gouin ait pris l’affaire en délibéré.

Dans un jugement rendu le vendredi 24 août 2012 à 17h45, soit 75 minutes avant l’expiration du contrat, l’Honorable Gouin a rejeté les contestations et autorisé la cession du contrat à Lufthansa Technik, tel que demandé par le CRO et recommandé par le contrôleur. Le juge conclut que le processus de vente a été appliqué de manière transparente, intègre et efficace et qu’il a été juste envers MTU Aero Engines. La preuve a également démontré que les intérêts des employés syndiqués ont été pris en considération par le CRO. La cession était signée sous écrou et le prix était en fidéicommis, de sorte que le certificat du contrôleur est émis dans les minutes suivant le jugement. On ne remettra pas le dentifrice dans le tube.

Les circonstances entourant les ventes d’actifs en situation d’insolvabilité sont telles que des délais très courts sont imposés par la force des choses aux professionnels, syndics, séquestres et avocats ainsi qu’aux acheteurs et à leurs conseillers.  Le risque de détérioration de la situation financière impose que les ventes soient rapidement négociées, autorisées et conclues.

En conséquence, les plaideurs n’ont d’autre choix que de refléter ces courts délais et cette urgence dans leurs procédures devant le tribunal.  Heureusement, l’efficacité et la disponibilité de la Chambre commerciale de la Cour supérieure permettent de gérer ces contraintes.

Toutefois, ces contraintes ont rarement atteint l’intensité que nous avons vécue dans le cadre de ce litige dans le dossier d’Aveos. Vous pouvez imaginer la nervosité de tous dans les minutes précédant l’expiration du contrat et dans l’attente d’un jugement….

C’est en fait l’Honorable Gouin qui a eu le dernier mot.  Après avoir eu à gérer les exigences d’une audition contestée et un très court délai de délibéré, il a permis aux procureurs et à leurs clients de  participer à un second sport extrême, celui des litiges entourant les ventes d’actifs.