La danse des anciens politiciens

La semaine dernière, nous apprenions qu’après avoir été courtisé par plusieurs cabinets, Jean Charest devenait associé chez McCarthy Tétrault. Il s’agissait probablement de la nouvelle de la semaine dans le monde juridique québécois et ça ne risque pas d’heurter la cote de McCarthy qui semble déjà être assez haute ces temps-ci.

Certains affirment que l’embauche de Jean Charest représente peut-être un certain risque à cause de diverses rumeurs qui planent, mais détrompez-vous, il s’agit d’un risque très calculé. Rappelons nous qu’à l’heure des commandites, Jean Chrétien avait même témoigné en commission et, à ce que je sache, le mariage Heenan-Chrétien dure toujours.

Ceci étant dit, éloignons-nous un peu du cas présent et regardons dans son ensemble le phénomène que représente la valse entre anciens politiciens et cabinets d’avocats. À travers les années, j’ai cru comprendre qu’il y avait trois facettes principales à ces embauches…

1. Retour sur investissement

D’un point de vue strictement financier, le retour sur investissement d’une décision se calcule en comptant le gain ou la perte monétaire par rapport au montant investi.

Pour un associé régulier, il s’avère donc relativement simple de déterminer ce retour puisque le gain ou la perte est composée de la facturation attribuable aux dossiers de cet associé et à ses heures passées dans les dossiers d’autres. Bien que l’importance relative d’une heure facturée dans le dossier d’un autre fait l’objet de plusieurs débats, ce calcul demeure relativement simple et on peut utiliser les mêmes formules au sein d’un même cabinet. Or, le retour sur investissement n’est pas si simple dans le cas d’un ancien politicien.

En effet, pour un associé-vedette, il faut introduire dans notre calcul la notion d’achalandage en plus de la facturation. Cet achalandage est très complexe à évaluer, puisque plus souvent qu’autrement, il existe une certaine corrélation entre la présence d’un associé-vedette et l’obtention d’un mandat donné, mais pas nécessairement une dépendance comme avec un associé qui doit générer lui-même ses mandats.

La venue d’un ex-politicien est comme l’ajout d’une grande vedette dans une super-production hollywoodienne. Dans un film, ce n’est pas le seul nom de l’acteur qui attire la foule, mais il s’agit d’une variable dans l’équation. Par exemple, si le rôle de Will Smith dans Men in Black avait plutôt été joué par un acteur moins connu, plusieurs personnes auraient tout de même vu le film. L’achalandage attribuable à ces vedettes est donc très difficile à déterminer, mais on sait qu’il existe une corrélation entre le succès et leur présence. Même chose dans le cas des ex-politiciens de renom.

Maintenant, regardons brièvement l’autre composante nécessaire pour calculer le retour sur investissement, soit le montant investi ou la compensation de l’associé. La pratique dans le milieu veut que si un avocat bénéficie d’un bon levier de négociation, il peut exiger une compensation minimale fixe pour rendre justice à l’ensemble de son oeuvre. Bien entendu, si cette compensation est trop élevée, on augmente le risque que le retour sur investissement soit négatif. C’est d’ailleurs le recours abusif à cette pratique d’embauche qui a mené à la perte de Dewey & Leboeuf. Or, utilisée à bon escient, cette pratique peut s’avérer avantageuse, surtout pour attirer un associé-vedette, alors qu’on peut présumer que le retour sur investissement dépasse largement ce qu’on peut mesurer.

2. Image de marque

Dès que l’annonce de l’embauche a été faite la semaine dernière, des dizaines de commentaires ont envahi mon fil de nouvelles sur Facebook et la page de Me Charest a fort probablement reçu des milliers de visites en quelques minutes. Qui plus est, une embauche de la sorte fait couler pas mal d’encre aux 4 coins du pays…

Quel est l’impact sur l’image du cabinet? L’analyse devient ici encore plus complexe et il est loin de s’agir d’une science exacte puisque notre perception dépend bien entendu de notre expérience, de notre groupe socio-économique, etc. De plus, bien qu’il soit sans contredit flatteur pour McCarthy que Me Charest ait choisi de s’aligner avec eux plutôt qu’avec un autre, le jeu des allégeances politiques peut brouiller les cartes, surtout maintenant qu’un deuxième parti de centre-droit est apparu sur la scène provinciale. Certains percevront donc la marque du cabinet d’un meilleur oeil tandis que pour d’autres, ce sera le contraire.

3. Impact international

En 2010, soit dix ans après la mort de Pierre Elliott Trudeau, un collègue banquier avec qui je travaillais aux États-Unis m’avait confirmé qu’il associait le nom de Heenan Blaikie à notre ancien premier ministre. Cette perception illustre très bien l’aspect qui, selon moi, est le plus important dans l’embauche d’un candidat avec une grande expérience politique.

Qu’on le veuille ou non, peu d’avocats canadiens transcendent suffisamment les frontières du pays pour être mentionnés régulièrement dans les médias étrangers. Un ex-politicien peut, grâce à son expérience, apporter ce rayonnement et octroyer une crédibilité instantanée dans le cadre de transactions internationales que tous les classements sur la planète ne pourraient équivaloir.

Il semble donc que, dans la plupart des cas notoires, les cabinets ont tout avantage à mettre leur nom dans le chapeau lorsqu’une de ces vedettes devient disponible sur le marché…

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