Cabinet dirigé par une vedette: sage ou non?

Dans un article publié il y a quelques semaines, on traitait sur ce blogue d’un associé-directeur vedette en la personne de Me Charpentier de chez BCF. Ce dernier n’est cependant pas la seule star dans l’univers juridique québécois à être à la tête d’un cabinet important. Plusieurs autres bureaux sont menés par des vedettes, comme McCarthy avec Me Marc-André Blanchard, ou Woods & Associés avec Me James A. Woods. Non seulement ces chefs bénéficient-ils d’une excellente réputation en tant que juristes, mais ils mènent leur barque avec succès depuis plusieurs années, ce qui leur vaut le respect de leurs confrères et de la communauté en général.

Or, est-il vraiment optimal pour un cabinet d’être dirigé par une vedette?

Nos réflexes nous portent à croire que oui, puisqu’une vedette à la tête d’une organisation amène de la notoriété, ce qui devrait produire une prime sur le rendement de l’argent investi par les actionnaires ou associés. Mais la réponse à cette question est loin d’être si évidente.

Les études publiées sur le sujet au cours des dix dernières années semblent toutes abonder dans le même sens: à long terme, les rendements sont rarement maximisés par un PDG vedette. En effet, selon ces études, une grande visibilité médiatique ou une reconnaissance de haut niveau pour un individu à la tête d’une organisation peut mener à de bons résultats financiers dans l’immédiat, mais c’est plutôt l’inverse qui se produit à long terme.

L’étude la plus intéressante en ce sens est parue en 2007. Deux professeurs américains ont alors analysé l’impact que pouvait avoir la réception d’un prix de gestion prestigieux sur la performance d’un PDG. Ils ont non seulement déterminé qu’un tel honneur amène une diminution importante de rendement de la part d’un dirigeant d’entreprise, mais que les récipiendaires voient généralement leur compensation augmenter malgré la mauvaise performance subséquente de leur organisation. Ils ont même trouvé que les PDG vedettes ont un meilleur handicap au golf que leurs pairs, laissant croire qu’ils passent moins de temps dans leur bureau après être devenus des stars.

On peut tracer un parallèle intéressant entre cette dernière étude et un autre papier récent dans lequel une professeure chinoise démontre que l’entreprise moyenne dont le PDG n’est pas une vedette tend à performer mieux que celle menée par un Richard Branson en puissance (lire PDG vedette). Cette dernière a aussi déterminé qu’un conseil d’administration expérimenté choisit moins souvent une vedette qu’un conseil ayant peu d’expérience. Mettez les deux ensemble et on comprend qu’un conseil qui a plus d’expérience tend à prendre de meilleures décisions, ce qui n’est pas si surprenant.

Or, dans un cabinet, les électeurs (ou le conseil d’administration) sont des associés, qui sont plus souvent qu’autrement assez expérimentés. Peut-on donc présumer que leur décision est éclairée, au point de ne choisir la vedette que si elle représente le ou la meilleur(e) candidat(e)? Ces études nous permettent de le croire…

De mon côté, je crois que la situation d’un cabinet est plutôt difficile à comparer à une entreprise publique; il faut donc mettre ces études en perspective. En effet, tous les électeurs d’un associé-directeur baignent dans le milieu juridique jour et nuit, ce qui fait qu’on ne peut trouver de gens mieux informés pour prendre ces décisions critiques. Qui plus est, on considère rarement des outsiders pour ces postes. Le candidat-vedette a donc plus souvent qu’autrement grandi sous la bannière du cabinet où il est élu, réservant beaucoup moins de surprises qu’un PDG pouvant venir de l’extérieur.

Ceci étant dit, ces travaux de recherche peuvent tout de même générer une certaine réflexion au sein de notre profession…