SE LANCER EN AFFAIRES : 3 FAÇONS, 3 MINUTES, 3 QUESTIONS

Lors du Salon entrepreneurs de Montréal, organisé par la Jeune Chambre de commerce de Montréal , on m’a demandé de m’adresser aux entrepreneurs en devenir et de leur donner des conseils relatifs au démarrage de leur entreprise. Je profite donc de la vitrine qui m’est offerte sur ce blogue pour faire profiter ceux qui n’auraient pu assister à cette présentation des conseils offerts.

Bien qu’il y a plusieurs façons de se lancer en affaires, j’ai choisi de concentrer mon attention sur les trois façons, ou formes d’entreprises, suivantes : l’entreprise individuelle, la société en nom collectif et la société par actions. Puisque le temps qui m’était alloué était, somme toute, assez limité, je me suis lancé un défi personnel et j’ai tenté de répondre à trois questions qui me sont fréquemment posées relativement à chacune de ces façons d’exploiter une entreprise en y consacrant une minute par réponse. Tout un défi, vous le devinerez, pour une avocate (le court délai pour répondre, bien entendu, non pas les réponses en tant que telles). Certaines de ces questions paraîtront fort basiques au lecteur plus au fait des questions juridiques, mais celles-ci me sont régulièrement posées.

Première Façon : Exploiter une entreprise individuelle

  1. Si j’exploite  mon entreprise de manière individuelle au Québec, je n’ai aucune formalité administrative à respecter, n’est-ce pas?

Ce n’est pas tout à fait vrai. En effet, si vous exploitez votre entreprise sous votre nom personnel, par exemple « Caroline Leduc, avocate », vous n’avez effectivement aucune formalité à respecter avant de commencer vos activités d’entreprise. Par contre, si vous exploitez votre entreprise sous un nom autre que le vôtre, la Loi sur la publicité légale des entreprises  prévoit à son article 21 que toute personne « qui exploite une entreprise individuelle au Québec, qu’elle soit ou non à caractère commercial, sous un nom ne comprenant pas son nom de famille et son prénom » est soumise à une obligation d’immatriculation. Telle immatriculation se fait notamment en ligne auprès du Registre des entreprises du Québe.

2.   Nous sommes deux, pouvons nous exploiter une entreprise individuelle?

Non, comme son nom l’indique, l’entreprise « individuelle » ne peut être exploitée que par une seule personne. Si vous êtes deux personnes ou plus, vous devrez vous tourner vers une autre façon d’exploiter votre entreprise, soit, par exemple, la société en nom collectif ou la société par actions. 

3.   Je fais affaire  sous le nom de Pink/Sayonara/K434Go, est-ce que ça convient?

Malheureusement, non. L’article 17 de la Loi sur la publicité légale des entreprises  prévoit que vous ne pouvez faire affaire sous un nom qui n’est pas conforme aux dispositions applicables de la Charte de la langue française .  Or, l’article 63 de la Charte de la langue française prévoit que le nom d’une entreprise, qu’elle soit exploitée au moyen d’une entreprise individuelle ou autrement, doit être en français. Par ailleurs, bien que l’article 67 de la Charte de la langue française prévoit que « les expressions formées de la combinaison artificielle de lettres, de syllabes ou de chiffres ou les expressions tirées d’autres langues » puissent apparaître dans le nom des entreprises, la pratique de l’Office de la langue française est alors d’exiger qu’un descriptif en français soit ajouté au nom de l’entreprise.  Par conséquent, les noms Pink, Sayonara et K434Go ne seraient pas acceptables, mais les noms « Les vêtements Pink », « Le restaurant Sayonara » et « Technologie K434Go » le seraient.

Seconde Façon : Exploiter une entreprise au moyen d’une société en nom collectif

  1. Avons-nous réellement besoin d’une convention de société en nom collectif?

Encore une fois, la réponse n’est ni oui ni non. Le Code civil du Québec prévoit que la société en nom collectif est formée au moyen d’un contrat. Or, il prévoit aussi qu’en règle générale un contrat peut être formé sans qu’une forme particulière soit exigée. Par conséquent, un contrat peut être verbal ou écrit. Une convention de société en non collectif écrite n’est donc pas nécessaire pour constituer une société en nom collectif. Toutefois, comme la loi ne prévoit pas toutes les situations qui peuvent survenir et puisque les paroles s’envolent, mais que les écrits restent, il est fortement conseillé d’en rédiger une et de faire affaire, pour ce faire, avec un juriste qui vous aidera à penser à tout ce à quoi il faut penser. Chacun son métier! 

  1. Pouvons-nous commencer sous forme de société en nom collectif et constituer une société par actions plus tard?

C’est tout à fait possible de commencer l’exploitation de son entreprise sous forme de société en nom collectif et de constituer plus tard une société par actions. Toutefois, bien que les coûts de démarrage soient alors réduits, il faut savoir qu’à terme cette façon de faire pourra coûter plus cher que la constitution rapide d’une société par actions. En effet, si la société en nom collectif détient des actifs qu’elle souhaite transférer à la société par actions au moment de la constitution de celle-ci, des transactions juridiques nécessitant l’intervention d’un comptable devront être faites en plus des frais associés à l’incorporation en tant que telle.  

  1. Mon associé et moi nous sommes entendus pour partager les revenues et les dépenses 50/50, je ne devrai donc jamais assumer plus de la moitié des dépenses de la société, n’est-ce pas?

En fait, c’est faux. Il est vrai que la société en nom collectif ne détient pas de personnalité juridique et que chaque associé contracte en son nom personnel. Il est aussi véridique que chacun des associés est seul obligé à l’égard des tiers avec qui il contracte. Toutefois, lorsque les associés agissent en qualité d’associés à la connaissance des tiers, chaque associé est tenu à l’égard de ceux-ci des obligations résultant des actes accomplis en cette qualité par l’un des autres associés. Par ailleurs, si une dette est contractée pour le service et l’exploitation par la société en nom collectif de l’entreprise commune, alors les associés sont solidairement responsables de cette dette. 

Troisième Façon : Exploiter une entreprise au moyen d’une société par actions

  1. J’exploite seul mon entreprise qui fait moins de 75 000$/an, je n’ai pas besoin de m’incorporer, n’est-ce pas?

D’un point de vue fiscal, votre comptable vous dira probablement que vous avez raison. Toutefois, d’un point de vue juridique, il peut tout de même être judicieux de s’incorporer. En effet, si votre entreprise œuvre dans un domaine où votre responsabilité est à risque, mieux vaut protéger vos actifs en vous incorporant! De cette façon, le patrimoine personnel des actionnaires est distinct du patrimoine de la société par actions et les créanciers de celles-ci ne peuvent, de règle générale, saisir les actifs des actionnaires pour obtenir paiement.  

  1. Notre société gagne moins de 30 000$ par an, dois-je obtenir un numéro de TPS/TVQ?

Oui. Contrairement aux entreprises individuelles, toutes les sociétés par actions doivent obtenir un numéro de TPS/TVQ et collecter les taxes sur les produits et services qu’elles vendent pour les remettre aux autorités fiscales, et ce indépendamment de leurs revenus. Vous pouvez obtenir ces numéros en vous rendant aux bureaux de Revenu Québec ou en téléchargeant les formulaires sur leur site web . Et c’est gratuit! 

  1. Je détiens 70% des actions émises et en circulation de ma société et mon partenaire en détient 30%, nous sommes tous deux les seuls administrateurs, est-il vrai de dire que je contrôle toutes les décisions prises dans notre société?

À  moins d’avoir conclu une convention unanime entre actionnaires, la réponse est non. En effet, le droit de gestion des actionnaires est très limité. Ce sont, dans les faits, les administrateurs qui gèrent la société par actions et prennent les décisions pour celle-ci au jour le jour. Or, lorsqu’il siège au conseil d’administration, chaque administrateur ne dispose que d’un seul vote, peu importe s’il est actionnaire ou non de la société par actions et peu importe le nombre d’actions qu’il détient, le cas échéant.