Qui doit supporter l’inexactitude ou l’imprécision d’un devis?

Le devis constitue sans contredit le document le plus important de la documentation d’appel d’offres en raison du fait qu’il établit avec précision la commande de l’organisme public. Autrement dit, il fixe les exigences se rapportant aux biens, services ou travaux de construction recherchés. Cela dit, qu’arrive-t-il lorsque un devis contient une information inexacte ou imprécise? Qui de l’organisme public ou du soumissionnaire doit subir les conséquences de cette inexactitude ou imprécision?

Bien que la source de cette inexactitude relève généralement de l’auteur des documents d’appel d’offres, il ne s’ensuit pas nécessairement que l’organisme public ou la municipalité doit subir exclusivement les conséquences de cette inexactitude. En effet, certaines nuances s’imposent car il faut prendre en considération un ensemble de facteurs avant de statuer en définitive sur le partage des conséquences ainsi engendrées.

Parmi les facteurs à considérer, il faut d’abord se poser la question à savoir qui est l’auteur réel du devis. En effet, il ne faut pas perdre de vue que de nombreux organismes publics font appel à des experts pour la préparation de ce document technique, car ils n’ont pas la compétence requise pour préparer celui-ci. Dans de telles circonstances, il est possible que ces experts soient partiellement ou totalement responsables des conséquences parfois fâcheuses qu’engendre un devis inexact ou imprécis.

Comme autre facteur à considérer, il faut prendre en compte l’expertise des soumissionnaires qui consultent le devis et qui ont la capacité de dépister une inexactitude ou imprécision et de demander une clarification. Si un soumissionnaire constate une telle lacune et qu’il omet ou néglige d’obtenir une clarification, n’est-il pas lui-même fautif au point de dégager la responsabilité du donneur d’ordre vis-à-vis des conséquences d’une telle inexactitude ou imprécision?

Un troisième facteur à considérer est la présence, au sein des documents appel d’offres, d’une clause dégageant l’organisme public de toute responsabilité en cas d’inexactitude ou imprécision. En ce qui concerne ce genre clause, il existe un courant jurisprudentiel et doctrinal voulant qu’elle ait comme conséquence de dégager l’auteur des conséquences d’une telle lacune dans un devis, dans la mesure où le soumissionnaire a bel et bien la capacité de vérifier l’exactitude ou la précision de l’information qui lui a été transmise. Autrement dit, l’effet cumulatif de la présence d’une telle clause jumelée à la capacité d’un soumissionnaire de vérifier la qualité de l’information contenue dans un devis suffirait pour exonérer l’organisme public des conséquences d’une inexactitude ou imprécision.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue les règles d’interprétation des articles 1432 et 1434 de notre Code civil, dont l’application peut engendrer des résultats forts différents. En effet, la première règle énonce qu’il faut, en cas de doute, interpréter un contrat en faveur de la personne qui s’oblige. La seconde, quant à elle, nous apprend qu’un contrat oblige ceux qui l’ont conclu non seulement pour ce qu’ils y ont exprimé, mais aussi pour tout ce qui en découle d’après sa nature et suivant les usages, l’équité ou la loi…

Comme on peut le constater, il n’est pas possible de répondre de façon catégorique à la question en rubrique. Tout ce que l’on peut affirmer avec certitude, c’est qu’en pareilles circonstances, il faut d’une part choisir la bonne règle d’interprétation à appliquer. D’autre part, il faut bien soupeser un ensemble de facteurs, dont notamment ceux que nous venons de mentionner, pour en arriver à une décision juste et équitable.