Bleu Lavande : un échec malheureux, mais une excellente leçon en franchisage!

Jeudi dernier, le 10 octobre, l’émission Enquête de Radio-Canada (que vous pouvez voir, ou revoir, sur le site Web de cette émission en cliquant ici) était consacrée à la faillite, le 13 janvier 2012, de Bleu Lavande, cette belle entreprise de Stanstead, en Estrie, survenue quelques mois seulement après le lancement de son programme de franchisage.

Dans l’émission Enquête, le fondateur de Bleu Lavande pointe du doigt, comme cause de sa faillite, le refus de ses banquiers de financer ses premiers franchisés.

Ayant eu le privilège, à la demande d’une journaliste de l’émission « Enquête », d’examiner quelque peu cette situation, je crois que, toute malheureuse que cette faillite ait été pour le fondateur de Bleu Lavande et sa famille qui s’étaient totalement investis dans cette entreprise, la mésaventure de Bleu Lavande dans l’univers de la franchise recèle quelques leçons importantes pour toute entreprise souhaitant se lancer en franchisage ainsi que pour tout conseiller d’un entrepreneur désireux de prendre la voie du franchisage.

En premier lieu, la décision de Bleu Lavande d’adopter le modèle du franchisage pour croître a reposé sur un mythe : Qu’un programme de franchisage peut s’autofinancer, et même être profitable, dès les premiers mois de son lancement!

La réalité est tout autre.

Pour réussir, un programme de franchisage requiert des investissements importants afin de bien l’organiser, le structurer et le documenter, et de mettre en place les ressources (humaines, matérielles et technologiques) et les outils nécessaires au soutien aux franchisés et à la gestion des relations avec des franchisés.

Ces investissements doivent être, pour la plupart, faits avant même qu’un premier franchisé n’ait été recruté.

Il faut aussi que le franchiseur se dote d’un plan et d’outils de marketing pour lancer et promouvoir son réseau, et ce bien avant que les contributions à la publicité des franchisés n’atteignent un niveau suffisant pour couvrir les dépenses et les investissements en marketing, publicité et promotion nécessaires au succès d’un nouveau réseau de franchises.

Dans la vaste majorité des cas, le franchiseur ne recouvrera ces investissements qu’au bout de quelques années. Il s’agit donc là d’investissements à moyen et long termes.

Malheureusement, Bleu Lavande n’avait pas budgété pour de tels investissements ni prévu les ressources financières suffisantes pour les faire et les soutenir le temps nécessaire pour que ce programme puisse réussir.

Deuxièmement, possiblement en raison de ses succès et de sa belle notoriété comme entreprise agrotouristique, Bleu Lavande a cru pouvoir se lancer en franchisage sans avoir expérimenté elle-même ses nouveaux points de vente.

En fait, elle y a tellement cru qu’elle s’est engagée dans des baux dispendieux et, à même son fonds de roulement (plus exactement, à même sa marge de crédit), dans d’importants coûts de construction de plusieurs boutiques (magnifiques d’ailleurs) dans la perspective de recouvrer toutes ses dépenses en quelques mois seulement par la vente de ces boutiques à des franchisés (à même le financement que ceux-ci obtiendraient de son institution financière).

Cette décision s’avéra fatale lorsque, après qu’elle eut déniché quelques franchisés, Bleu Lavande fut confronté à un refus de sa banque de financer ses nouvelles franchises avant que ses points de vente n’aient été en exploitation suffisamment longtemps pour montrer des résultats positifs.

Quelle que soit la notoriété ou la réputation d’une entreprise, l’on ne se lance pas en franchisage avant d’avoir expérimenté son concept de franchise pendant plusieurs mois, voire une ou deux années. Penser, ou agir, autrement est une recette menant le plus souvent à un échec.

Si la banque de Bleu Lavande avait accepté de financer ses nouveaux franchisés dans un concept qui n’avait pas encore subi l’épreuve du marché, il y aurait eu, à mon avis, un fort risque que, quelques mois plus tard, la situation ne dégénère avec le résultat que non seulement Bleu Lavande se serait quand même dirigée vers une faillite, mais, aussi, qu’elle y aurait mené plusieurs franchisés.

Ce qui me surprend le plus dans la déconfiture de Bleu Lavande, c’est le fait qu’elle soit survenue en 2012 alors que l’information et l’expertise sur les saines pratiques en franchisage sont disponibles et aisément accessibles.

Il existe aujourd’hui de nombreux livres, textes et articles sur la bonne façon de lancer un nouveau réseau de franchises, le Québec compte plusieurs experts fort compétents en cette matière et le Conseil québécois de la franchise multiplie, depuis maintenant bientôt 30 ans, ses efforts pour faire connaître le franchisage, ses exigences et ses caractéristiques.

Comment se fait-il que Bleu Lavande, qui avait pourtant pris la peine de se doter d’un superbe contrat de franchise (dont je ne suis pas l’auteur, mais que j’ai eu le privilège de lire), ait procédé au lancement de son concept de franchise sans suivre les précautions les plus élémentaires, et connues, à cette fin?

Je ne vois que deux possibilités : ou bien elle ne s’est pas entourée de conseillers compétents en franchisage, ou bien elle n’a pas su, ou voulu, écouter leurs conseils…

Pour terminer sur une note positive, notons que, suite à sa faillite, Bleu Lavande a maintenant repris ses activités sous une nouvelle direction. Je lui souhaite un grand succès puisqu’elle demeure un fleuron de l’industrie agrotouristique québécoise.

Si vous avez quelque question ou commentaire, je vous invite à m’en faire part à l’adresse de courriel jhgagnon@jeanhgagnon.com ou par téléphone au 514.931.2602 et il me fera plaisir de vous répondre rapidement.

Jean