Jugement récent – Une clause de renouvellement à perpétuité est jugée légale!

Une question qui agace depuis longtemps de nombreux juristes, notamment face à des contrats de franchise et de bannières, est la suivante : Est-il légalement possible de stipuler une clause de renouvellement sans limitation quant au nombre de renouvellements possibles?

Dans un récent jugement rendu le 13 décembre dernier dans l’affaire Gosselin et Bérubé c. Uniprix inc. (que vous pouvez consulter en cliquant ici), la Cour supérieure du Québec a eu à se pencher sur une clause de renouvellement stipulée dans la convention d’affiliation Uniprix qui se lisait ainsi :

 « (…) Le Membre devra, six (6) mois avant l’expiration de la convention, faire signifier à la Compagnie son intention de quitter la Compagnie ou de renouveler la convention;

 À défaut par le Membre d’envoyer l’avis prescrit par poste recommandée, la convention sera réputée renouvelée selon les termes et conditions alors en vigueur. »

L’on constate donc, de la lecture de cette clause, que celle-ci ne limite aucunement le nombre de fois pour lequel cette convention d’affiliation peut se renouveler, soit sur avis du « Membre », soit, encore, en raison du défaut par le « Membre » d’envoyer l’avis prescrit.

Or, après qu’un contrat d’affiliation conclu en 1998 entre Uniprix inc. et un affilié, Gestion Gosselin et Bérubé inc., se soit ainsi renouvelé en 2003 et 2008, Uniprix inc. a transmis à son affilié, le 26 juillet 2012, un avis dans lequel elle écrivait notamment :

 « Nous vous avisons que le renouvellement automatique de votre contrat d’affiliation du 28 janvier 1998 a été stipulé en faveur d’Uniprix inc. qui n’a pas l’intention de s’en prévaloir.

 En conséquence, nous vous avisons formellement que votre convention d’affiliation prendra fin le 28 janvier 2013. »

La preuve a par la suite démontré qu’Uniprix inc. avait loué un autre local à proximité de celui afin d’y implanter une nouvelle pharmacie que son affilié ne souhaitait par ailleurs pas exploiter dans ce nouveau local.

Devant cette situation, l’affilié a déposé contre Uniprix inc. une requête en jugement déclaratoire et en injonction par laquelle il demandait à la Cour supérieure du Québec de déclarer que, conformément à sa clause de renouvellement, son contrat d’affiliation était bien renouvelé jusqu’au 28 janvier 2018.

En défense à cette requête, les procureurs d’Uniprix inc. ont notamment plaidé que, si cette clause devait être interprétée comme stipulant un nombre illimité de renouvellements, elle serait illégale puisqu’elle rendrait ce contrat « perpétuel ».

Dans un premier temps, le tribunal a conclu, après un examen complet de la clause, que celle-ci était claire et sans ambiguïté. Dans ce contexte, selon le juge, « la tâche du Tribunal n’est pas d’interpréter cette clause, mais de l’appliquer ».

En second lieu, et contrairement à ce qu’Uniprix écrivait dans son avis du 26 juillet 2012, le tribunal a aussi conclu que cette clause de renouvellement était à l’avantage du membre, conclusion dans laquelle le tribunal s’est dit conforté par la façon dont les parties ont compris et appliqué cette clause depuis 1998. D’ailleurs, le tribunal réitère qu’ « un principe fondamental d’interprétation des contrats est à l’effet que la façon dont les parties interprètent et appliquent leur contrat est l’un des moyens les plus sûrs d’en saisir la portée et l’intention ».

En troisième, et dernier lieu, le tribunal a répondu de la manière suivante à l’argument des procureurs d’Uniprix inc. quant à l’illégalité d’une clause stipulant un nombre illimité de renouvellements :

 « De plus, le Tribunal est d’avis que cette clause est parfaitement valide comme clause de renouvellement de la convention d’affiliation au gré du membre. Elle est valide pour une raison bien simple. Elle n’est pas contraire aux lois prohibitives ni à l’ordre public. La liberté contractuelle s’accommode depuis longtemps de ce genre de clause.

 L’argument du procureur de la défenderesse à l’effet qu’une telle interprétation rend cette clause illégale parce que perpétuelle est donc sans fondement.

 De surcroît, l’analyse de l’ensemble du contrat d’affiliation justifie parfaitement que les parties aient jugé opportun de conférer au membre le droit de renouveler la convention à son gré, tous les cinq ans. »

Le tribunal a donc donné raison à l’affilié en déclarant le contrat d’affiliation renouvelé jusqu’au 28 janvier 2018. Il n’a par contre pas émis l’ordonnance d’injonction requise par l’affilié puisque, dans ses propres mots, « il n’y a aucun indice ni preuve suffisante qu’Uniprix n’ait pas l’intention de respecter ses obligations en vertu du contrat d’affiliation ou le jugement déclaratoire du Tribunal ».

Pour la vaste majorité des réseaux de franchises, de bannières et d’affiliation, une clause de renouvellements illimités n’est pas souhaitable, et ce, pour de multiples raisons sur lesquels je reviendrai dans un prochain article.

Par contre, selon ce jugement, une telle clause n’est pas illégale et, lorsqu’elle se retrouve dans un contrat, le franchiseur ou le groupement est tenu de s’y conformer.

Il est cependant important de noter qu’Uniprix inc. en appelle de ce jugement. À moins que cette affaire ne soit réglée avant que cet appel n’ait été entendu, il me fera plaisir de vous faire part du jugement que rendra éventuellement la Cour d’appel du Québec sur cette question importante.

Je vous invite à me contacter (par courrier électronique à jhgagnon@jeanhgagnon.com ou par téléphone au 514.931.2602) pour toute question ou tout commentaire.

Je demeure en tout temps à votre service si je puis vous être de quelque assistance que ce soit.

Jean