C’est la contribution qui compte

J’ai eu l’occasion dans le passé – dans le cadre de cette rubrique – de partager avec vous mes impressions sur les recours collectifs qui sont initiés ou dirigés principalement par les procureurs en demande (voir, par exemple, mon billet du 15 octobre 2012). Essentiellement, je n’ai pas d’objection à ce que les procureurs en demande prennent un rôle très important dans l’élaboration et la conduite d’un recours collectif, dans la mesure où l’on ne se rend pas à une situation où le recours proposé devient presque exclusivement l’affaire de ces mêmes procureurs. C’est pourquoi je suis entièrement en accord avec l’approche proposée par l’Honorable juge Jacques Dufresne dans le jugement récent de la Cour d’appel dans l’affaire Fortier c. Meubles Léon Ltée. (2014 QCCA 195).

Pour les fins du présent billet, la trame factuelle des neufs affaires qui étaient portées en appel importe peu. L’on retiendra simplement que neuf requêtes en autorisation avaient été déposées à l’encontre de divers détaillants à l’égard de questions reliées aux garanties légales de la Loi sur la protection du consommateur. Ces requêtes avaient toutes été rejetées en première instance.

Une des questions en appel a trait à la satisfaction du critère de l’article 1003 (d) C.p.c. et à la capacité des représentants proposés d’assurer une représentation adéquate des groupes. Or, les jugements de première instance contiennent certains commentaires sur le rôle prépondérant des procureurs en demande auxquels ces derniers s’objectent. Cela amène le juge Dufresne à commenter et souligner que ce qui importe c’est de constater que le représentant proposé prend un véritable intérêt dans les procédures et qu’il est apte à représenter le groupe. Ainsi, il importe peu dans un tel contexte que les procureurs en demande sont la force motrice derrière le recours:

[145] Ils n’ont pas nécessairement recueilli tous les renseignements ou documents à partir desquels les avocats ont préparé les requêtes en autorisation, comme les juges le mentionnent. Les avocats au dossier en demande auraient été les principaux artisans des requêtes, en quelque sorte les initiateurs de celles-ci, du moins davantage que ne l’auraient été les appelants. Les avocats de ces derniers considèrent que les commentaires exprimés par les juges de première instance à ce sujet s’assimilent, jusqu’à un certain point, à un « procès d’intention ».

[146] Les juges autorisateurs doivent s’interroger sur la capacité du requérant à représenter adéquatement le groupe (paragr. 1003d) C.p.c.). Il s’agit essentiellement d’un exercice discrétionnaire qui requiert déférence.

[147] Cela dit, les juges peuvent déceler, à l’occasion, des indices qui laissent croire que les démarches ayant donné naissance à la requête portent fortement l’empreinte des avocats, mais cela ne discrédite pas nécessairement celui ou celle qui fait valoir une cause d’action qui apparaît suffisamment sérieuse alors que, sans lui, le groupe serait privé de l’exercice d’un droit.

[148] Dans ce contexte, les démarches effectuées par les requérants sont souvent un indice de leur intérêt et de leur capacité à représenter adéquatement le groupe. Il faut reconnaître que l’implication des appelants dans la collecte des renseignements ayant permis la signification des requêtes paraît limitée, mais pas au point de mettre en doute leur capacité d’assumer le rôle qui leur revient, d’autant qu’ils ont démontré être vraiment membres du groupe qu’ils entendent représenter. Certains d’entre eux ont été interrogés hors cour; la plupart, sinon tous, ont assisté aux audiences en première instance. L’exigence du paragr. 1003d) C.p.c. est satisfaite en l’espèce, malgré les interrogations légitimes des juges de première instance.

Voilà un dictum qui me semble tout à fait juste.