Un rendement annuel de 24% pour être associé?

Autrefois le Saint Graal incontesté de la profession et une garantie d’un monde meilleur pour l’éternité (ou jusqu’à l’âge de 65 ans), la perception du statut d’associé dans un grand cabinet évolue peu à peu. En effet, l’augmentation du nombre d’années obligatoires en tant que sociétaire, le marché en mutation et l’échec de certains cabinets en amènent plusieurs à y penser deux fois avant de tenter l’aventure.

La majorité des analyses faites sur le statut d’associé se limitent à une analyse qualitative. J’ai cependant décidé de prendre une autre approche, soit l’approche quantitative. Avec les changements dans la profession aujourd’hui, quels risques courent les associés? Si leur cabinet venait à chavirer, quels associés auraient le plus à perdre? Mais surtout, si on compare l’investissement dans une part sociale d’un cabinet et l’investissement en bourse, lequel est le plus avantageux?

L’investissement

L’achat d’une participation demeure d’abord et avant tout un investissement. Un individu achète une portion d’une société qui rend des services juridiques en échange d’une part des profits. Il ne s’agit pas d’un investissement passif puisque l’avocat(e) devra travailler pour générer un revenu de cet argent. Or, génèrera-t-il un rendement supérieur à ce que le marché boursier ou immobilier peut offrir?

Pour le déterminer, j’ai bâti un modèle permettant de calculer l’avantage financier de devenir associé d’un cabinet vs demeurer salarié. Les résultats sont fort intéressants. Bon, je l’avoue moi-même, mes chiffres ne représentent pas une situation réelle, mais plutôt une extrapolation qui tourne les coins un peu ronds, mais ils nous permettent tout de même de voir les tendances.

En présumant une mise de fonds de 300 000$ à l’âge de 35 ans et une croissance de compensation de 10% par année jusqu’à l’âge de 49 ans, suite à quoi cette croissance passe plutôt à 5%, avant de baisser de 5% par année à partir de 55 ans, j’ai calculé que le rendement annuel de l’investissement de 300 000$ sur une période de 30 ans est de 24,32%, ce qui est franchement excellent. Voir le tableau ci-dessous qui comporte les chiffres.

L’indice composé TSX affiche quant à lui en rendement annuel de 18,78% sur les trente dernières années et il atteint ces jours-ci des sommets historiques, nous permettant de conclure que l’achat d’une part sociale d’un grand cabinet représente un investissement vachement intéressant si ça vous permet d’aspirer à la compensation prévue dans le modèle.

Considérons maintenant la situation où notre cabinet met la clé en dessous de la porte lorsque nous avons l’âge de 50 ans, ce qui occasionne une perte totale de la mise de fonds. Et bien, notre rendement annuel est toujours de 21%. Pas mal du tout…

Le risque

Comme on aurait pu le deviner, là où ça devient plus difficile, c’est pour les jeunes associés. En effet, l’associé de 40 ans qui perd sa mise de fond dans cette structure de rémunération affiche un rendement de -20%. La meilleure manière d’amoindrir ce risque – et plusieurs cabinets le font déjà – est de permettre aux nouveaux associés de financer leur mise de fonds sur quelques années.

Ce risque se dissipe cependant au début de la quarantaine. En effet, dès l’âge de 45 ans, le rendement passe à 11%.

Autre bonne nouvelle: les associés qui performent mieux que mes estimés augmentent non seulement leur rendement, mais réduisent la fenêtre au cours de laquelle ils sont exposés à un rendement négatif.

Bien que ceux qui perdent leur mise de fonds à un moment ou à un autre dans leur carrière ressentent une grande frustration, la majorité d’entre eux a tout de même obtenu un rendement fort avantageux au cours de la durée de leur investissement.

En ce qui concerne les plus jeunes, on peut comprendre que les turbulences récentes en amènent plusieurs à y penser deux fois avant de plonger, surtout quand on observe la dynamique du marché actuel. Qui plus est, l’aspect financier n’est qu’un aspect de l’équation parmi tant d’autres…