Qualification des contrats à obligations multiples : attention, vous pourriez perdre vos droits!

Au moment de rédiger les termes d’un contrat, les parties imaginent rarement que la qualification (ou la nature) du contrat qu’elles s’apprêtent à conclure et qu’elles croient pourtant claire pourrait être remise en cause. Pourtant, une telle qualification a un impact direct sur l’interprétation qui sera donnée au contrat. Le contenu implicite et obligatoire du contrat est directement modulé par la qualification de ce contrat. En l’absence de dispositions contractuelles traitant d’un sujet, le droit applicable dépendra alors du type de contrat en cause.

La qualification d’un contrat peut devenir difficile notamment lorsqu’un contrat peut s’apparenter à deux types de contrats différents. On peut penser aux difficultés entourant la qualification de certains contrats qualifiés par les parties de contrats de service ou d’entreprise, mais étant en fait des contrats de travail. La qualification peut être encore plus difficile pour des contrats à obligations multiples ou mixtes, tel des contrats comprenant des obligations de services. Comment alors qualifier ces contrats?

La récente affaire Excavation Daniel Latour inc. c Canneberge des sables s.e.n.c.[1] est venue réitérer les principes applicables en la matière. Dans cette affaire, se chevauchaient des obligations d’approvisionnement en sable et des obligations de fourniture de services en vue de l’amélioration et l’entretien d’un chemin, du creusage d’un lac ainsi et de l’enlèvement de sable. Afin de déterminer si le contrat en cause est un contrat de service, la Cour indique qu’elle doit établir si la portion « approvisionnement » est l’accessoire de la portion « service » du contrat. Ainsi, même si des obligations de services étaient prévues au contrat, comme les obligations d’approvisionnement étaient plus importantes, le contrat a été qualifié de contrat d’approvisionnement.

Les conséquences d’une telle qualification peut paraître banale, mais peut empêcher les parties de se prévaloir de certains droits prévus au Code civil du Québec (« CcQ »), tel le droit du donneur d’ordre (le client) de résilier le contrat sans préavis prévu à l’article 2125 CcQ.

Plus anciennement, dans l’affaire Xéquipe inc. c Montréal (Communauté urbaine de)[2], le contrat en cause prévoyait la location de photocopieurs et la fourniture de services pour l’entretien des photocopieurs. Quant à la qualification du contrat et à la possibilité de se prévaloir du droit de résilier prévu à 2125 CcQ, la Cour s’exprime ainsi:

[59] P-1 est de la nature d’un contrat de louage et les obligations relatives au service d’entretien et de réparation en sont un accessoire. […]

[60] Il en résulte que les dispositions de l’article 2125 C.c.Q. et suivants ne s’appliquent pas à la présente affaire.[3]

Les parties devront donc toujours s’assurer de déterminer à quel type de contrat les obligations les plus importantes sont attribuables.

Ces principes prennent leur importance pour les parties à des contrats à obligations multiples qui doivent bien connaître leurs droits et obligations en vertu de la loi pour s’assurer de la bonne conduite du contrat. Cela évitera aussi aux parties des surprises leur faisant possiblement perdre des droits, tel le droit de résiliation unilatérale prévu au CcQ.

Rappelons que la qualification d’un contrat donnée par les parties, tel dans l’en-tête, ne lie pas le juge qui aura toujours l’ultime tâche de déterminer la nature exacte du contrat.


[2] (2001), AZ-01021952 (Azimut) (Qc CS).

[3] Ibid, aux para59-60.