AMF: Le refus d’autoriser une entreprise à contracter avec les organismes publics en raison de son manque d’intégrité

Dans le souci de lutter contre la corruption dans l’univers de l’octroi des contrats publics relevant du domaine de la construction, le gouvernement québécois a, en plus d’avoir mis en place la Commission Charbonneau,  assujetti les entreprises à un mécanisme d’autorisation afin qu’elles soient en mesure de contracter avec les organismes publics. L’AMF est chargée de l’application de ce processus régi par la Loi sur les contrats des organismes publics («LCOP»). Or, le refus d’accorder cette autorisation suscite son lot de contestations.

La semaine dernière, la Cour supérieure a rejeté la requête en révision judiciaire d’Ali Excavation inc. («ALI») lui demandant de réviser la décision rendue par l’AMF à son égard. Plus précisément, l’AMF a refusé d’accorder l’autorisation de conclure un contrat avec un organisme public à ALI en vertu de l’article 21.27 LCOP.

L’AMF motive sa décision par le fait qu’ALI a «de façon répétitive, éludé ou tenté d’éluder l’observation de la loi dans le cours de ses affaires», notamment par sa participation à un stratagème de fausse facturation.

Parmi les questions en litige se trouve celle de savoir si l’AMF a excédé sa juridiction en refusant l’autorisation en vertu de l’article 21.27 LCOP. En s’appuyant sur la jurisprudence, la Cour est d’avis que la norme de la décision raisonnable, plutôt que celle de la décision correcte, trouve application.

L’article 21.27 LCOP permet à L’AMF de refuser une autorisation à une entreprise lorsque celle-ci «ne satisfait pas aux exigences d’intégrité auxquelles le public est en droit de s’attendre d’une partie à un contrat public». Afin de déterminer si de telles exigences sont respectées, l’AMF peut entre autres tenir compte des éléments décrits à l’article 21.28 LCOP, notamment le fait que l’entreprise ait tenté d’échapper à l’application de la loi dans le cadre de ses activités. Cependant, comme l’AMF n’est pas limitée aux éléments mentionnés dans cet article, l’intégrité «en tout temps» de l’entreprise est sujette à son appréciation.

Bien que la Cour reconnaisse que l’AMF aurait pu mentionner les éléments sur lesquels ALI avait raison, elle indique que c’est la décision dans son ensemble qui doit être raisonnable et non chacun des motifs pris individuellement:

[58] Sur les éléments que le tribunal vient d’analyser, on peut comprendre que l’AMF aurait pu traiter ces sujets et dire clairement qu’elle donne raison à Ali, mais ne l’ayant pas fait et considérant l’ensemble de la décision, le tribunal ne peut conclure au caractère déraisonnable de la décision.

[59] Le tribunal peut comprendre qu’Ali conteste la décision, mais de là à ne voir dans la décision aucun motif à l’appui du dispositif du jugement, le tribunal n’est pas d’accord.

À la lumière de ce qui précède, la Cour reprend un à un les motifs de refus invoqués par l’AMF et conclut que la décision de cette dernière relève de sa compétence. De plus, la Cour est d’avis que l’AMF pouvait également tenir compte du fait qu’ALI n’a pas nié l’existence des fausses factures.

Quant à la discrétion dont dispose l’AMF pour décider si elle accorde l’autorisation, celle-ci ne se limite pas aux observations de la partie requérante. En effet, les conclusions résultant des enquêtes du commissaire de l’AMF peuvent aussi être prises en considération.

Ainsi, il ressort de cette décision que dans le cadre d’une révision judiciaire, la Cour accorde une certaine déférence à l’AMF lorsque cette dernière refuse d’accorder une autorisation en vertu de la LCOP.