Le comportement frauduleux de l’administrateur expose la personne morale au paiement de dommages punitifs

Dans un jugement récent, la Cour du Québec a statué qu’une personne morale peut être condamnée au paiement de dommages punitifs en raison des agissements frauduleux de son administrateur, dirigeant et actionnaire.

Dans cette affaire, le demandeur, Christian St-Jules («St-Jules») a vendu les actions qu’il détenait dans la codéfenderesse Groupe Fulford inc. («Fulford») au codéfendeur Gilbert Bélisle («Bélisle»). À la suite de cette transaction, Bélisle est devenu actionnaire majoritaire de Fulford, en plus d’être l’unique administrateur de la codéfenderesse Produits Éco-Flex Black Gold inc. («Éco-Flex»).

En vertu de la vente d’actions intervenue entre St-Jules et Bélisle, les codéfendeurs se sont engagés à verser à St-Jules, 30% de la somme découlant d’un règlement sur la demande reconventionnelle contre un cabinet d’avocats d’envergure. Plus précisément, cette demande reconventionnelle a été formulée par Fulford en réponse à une réclamation d’honoraires professionnels. Fulford estimait ne pas devoir quoi que ce soit à titre d’honoraires. Le litige s’est finalement soldé par un règlement en vertu duquel le cabinet a versé un montant de 100 000$ à Fulford. Ce règlement a fait l’objet d’une quittance confidentielle entre ces derniers.

Or, malgré le versement de cette somme à Fulford, Bélisle s’est abstenu, «volontairement, sciemment et sans justification», d’en faire part à St-Jules. La Cour est d’avis que ce faisant, Bélisle a agi de mauvaise foi. Ce dernier devait tout de même honorer son engagement, et ce, en dépit du caractère confidentiel de la quittance. Au surplus, le cabinet signataire de la quittance ne s’objectait pas à ce que celle-ci soit divulguée pour les fins du litige. La Cour insiste également sur le fait que Bélisle a menti à plusieurs reprises, que ce soit sous serment ou non, quant au paiement d’une somme d’argent par le cabinet.

La Cour met aussi l’accent sur le fait que Bélisle a préféré payer un ami personnel ainsi que son père par préférence à St-Jules. Enfin, les codéfendeurs ont dilapidé le solde du montant en quelques mois. En raison de ces agissements, St-Jules a dû passer par plusieurs procédures judiciaires.

À la lumière de ce qui précède, la Cour est d’avis que les codéfendeurs étaient de mauvaise foi et ont, par le fait même, porté atteinte aux droits de St-Jules. Ainsi, en plus de condamner les codéfendeurs à payer la somme de 30 000$ à titre de dommages compensatoires, la Cour accueille la demande de St-Jules quant aux dommages moraux et punitifs.

Dans un premier temps, la Cour estime qu’en raison des pertes de temps, du stress et des inconvénients subis par St-Jules, les dommages moraux s’élèvent à 5000$. En ce qui concerne l’octroi de dommages punitifs, la Cour se prononce comme suit:

[93]    Par conséquent, ils ont ainsi porté atteinte à l’intégrité du demandeur ainsi qu’à la sauvegarde de sa dignité, soit à ses droits prévus aux articles 1 et 4  de la Charte des droits et libertés de la personne  (Charte) .

[94]    En effet, la condamnation d’une personne morale à des dommages punitifs est possible lorsqu’un individu, tel que monsieur Bélisle, profite de son poste d’administrateur, dirigeant et actionnaire unique d’une compagnie pour impliquer celle-ci dans des actes de nature frauduleuse, commis de mauvaise foi, afin d’éluder ses obligations contractuelles.

De plus, la Cour est d’avis que les agissements des codéfendeurs constituent une violation illicite et intentionnelle puisque Bélisle était animé par une volonté de «causer au demandeur les conséquences directes de ses gestes fautifs». Pour ces raisons, elle évalue les dommages punitifs à 5000$.

Cette décision nous enseigne donc que les agissements frauduleux de l’administrateur, dirigeant et actionnaire d’une personne morale peuvent mener à une condamnation de la personne morale au paiement de dommages punitifs.