Conformité: décision intéressante sur le respect des exigences relatives à l’équipement

Dans une décision récente, la Cour supérieure a dû statuer sur la conformité de l’équipement d’un entrepreneur en construction. Cette affaire découle plus précisément d’un appel d’offres lancé par Hydro-Québec («Hydro») pour la fourniture d’une pompe à béton servant à la réalisation de travaux de bétonnage.

Au terme du processus d’appel d’offres, Hydro n’a reçu que deux soumissions, soit celle de Pompage de Béton TPG Ltée («TPG») et celle de Pompage Industriel inc. («Industriel»). Les prix présentés sont respectivement de 198 000$ et de 127 500$. Ainsi, Hydro octroie le contrat à Industriel.

TPG intente une poursuite en dommages contre Hydro alléguant que la soumission d’Industriel est non conforme. Elle prétend également qu’Hydro a fait preuve de favoritisme envers Industriel. Ce faisant, TPG estime que le contrat aurait dû être adjugé en sa faveur puisqu’elle est la seule soumission conforme.

Les questions que devait trancher la Cour sont les suivantes:

1.            Est-ce que la soumission d’Industriel était conforme?

2.            Est-ce qu’Hydro-Québec a favorisé Industriel?

3.            Si la soumission d’Industriel est rejetée et en l’absence de favoritisme, est-ce-que TPG aurait obtenu le contrat?

4.            Dans l’affirmative, quels sont les dommages auxquels TPG a droit?

La première question est celle qui a retenu notre attention. Après analyse, la Cour est d’avis que la soumission d’Industriel est, à première vue, conforme. En effet, les documents d’appel d’offres exigent que:

  • la longueur du mât de la pompe soit de plus ou moins 45 mètres;
  • la pompe soit de marque Swing ou un modèle équivalent;
  • l’année de la pompe doit se situer entre 2000 et 2007.

Conformité de la soumission à sa face même

De son côté, TPG prétend que même si normalement un mât de 42 mètres rencontre le premier critère, le mât du modèle de 42 mètres n’atteint pas cette longueur. Or, la Cour précise d’abord qu’au moment de la rédaction des documents d’appel d’offres, Hydro n’était pas au courant de cette distinction et que cette dernière a appliqué les mêmes normes que l’industrie.

De plus, la Cour rejette l’argument de TPG selon lequel Industriel n’est pas conforme puisqu’il n’est pas propriétaire de l’équipement. Elle explique que les documents d’appel d’offres ne font pas mention d’une telle exigence.

TPG allègue également que la soumission d’Industriel n’est pas conforme puisqu’elle n’indique pas quelle pompe sera utilisée en cas de bris. La Cour rejette cet argument en énonçant que bien que l’entrepreneur ait l’obligation de remplacer la pompe dans un délai de 48 heures suivant la survenance d’un bris, il n’est pas nécessaire d’identifier la pompe de remplacement dans la soumission.

Conformité confirmée par l’enquête menée par Hydro

La Cour s’interroge également à savoir si le fait qu’Industriel n’était pas en possession de l’équipement requis au moment de sa soumission rend celle-ci non conforme. La Cour estime qu’il ne s’agit pas d’une exigence de conformité et se prononce comme suit à cet égard:

[51]        Dans ce dossier, Industriel décide de compléter la soumission avec un équipement conforme qu’elle n’a pas en sa possession. L’intention d’Industriel est d’acquérir cette pompe si elle obtient le contrat. Dans ce sens, son acquisition de la pompe est conditionnelle. Mais son engagement envers Hydro-Québec n’est aucunement conditionnel. Si Hydro-Québec accepte la soumission telle quelle, Industriel a l’obligation de fournir cette pompe et ne peut se retirer parce qu’elle ne réussit pas à l’obtenir. Cela suffit pour qu’Hydro-Québec traite la soumission comme conforme.

[52]        Le Tribunal ne peut conclure qu’il s’agit d’une condition de l’appel de soumissions que le soumissionnaire soit propriétaire ou ait possession de la pompe au moment de sa soumission. Il n’y a aucune clause expresse de l’appel de soumissions à cet effet. Les seules mentions dans l’appel de soumissions sont les questions « Année d’achat » et « État à l’achat » dans la liste de l’outillage. Ces seules questions ne sont pas suffisantes pour conclure que le soumissionnaire doit être propriétaire de la pompe ou doit l’avoir en sa possession au moment de sa soumission. [Nos soulignements]

Substitution de l’équipement avant et après l’octroi du contrat

La Cour est d’avis que le remplacement de la pompe, que ce soit avant ou après l’octroi du contrat, est valide. En effet, cette substitution ne nuit pas à TPG étant donné que le prix de la soumission d’Industriel demeure inchangé.

Absence de favoritisme

TPG prétend qu’Hydro a favorisé Industriel pour plusieurs raisons, notamment pour avoir conclu un contrat de gré à gré avec cette dernière avant l’appel d’offres. Or, la Cour est d’avis que ce n’est pas le cas, notamment parce qu’il n’existe aucune preuve directe de favoritisme et qu’Hydro n’a aucun intérêt financier à agir ainsi.

En raison de ce qui précède, la Cour affirme que la soumission d’Industriel est conforme, rejetant ainsi la requête de TPG.