Projet de loi 122 : des changements à prévoir en matière d’appels d’offres
Le 6 décembre dernier, Monsieur Martin Coiteux, ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire, a présenté à l’Assemblée Nationale un projet de loi d’envergure visant à redéfinir la relation entre le gouvernement québécois et le milieu municipal. Le projet de loi 122 vise à augmenter les pouvoirs des municipalités, de sorte que le gouvernement joue dorénavant un rôle d’accompagnement et de soutien plutôt que de suivi et de contrôle. Pour le gouvernement, le dépôt de ce projet de loi représente un autre jalon posé en vue de remplir sa promesse électorale d’élargir les compétences des municipalités et d’augmenter leur autonomie. Pour les municipalités, il s’agit d’une première réponse à des revendications de longue date.
Les mesures proposées par le projet de loi 122 touchent, entre autres, l’aménagement et l’urbanisme, la fiscalité municipale, le développement économique ainsi que la gouvernance et les pouvoirs des municipalités. Cependant, le présent billet a pour objectif de présenter les effets du projet de loi en matière d’appels d’offres dans le milieu municipal. Il est toutefois important de souligner que ce projet de loi demeure au stade de sa présentation. Les remarques ci-après pourraient par conséquent être révisées si le projet de loi fait l’objet d’une étude en commission parlementaire avant son adoption, comme c’est toujours le cas.
Dans sa version actuelle, ce projet de loi apporte plusieurs modifications au cadre législatif applicable aux appels d’offres.
Système de pondération et d’évaluation des offres
Tout d’abord, les règles applicables au système de pondération et d’évaluation des offres seraient modifiées en profondeur. À l’heure actuelle, il existe un système « obligatoire », auquel est assujetti tout appel d’offres municipal pour des services professionnels, et un système « facultatif », qu’une municipalité peut volontairement choisir lorsqu’elle souhaite évaluer la qualité des offres plutôt que de se limiter au prix le plus bas. La modification envisagée par le projet de loi semble indiquer que, dorénavant, on ne parlerait plus d’un système facultatif et d’un système obligatoire. Le système de pondération et d’évaluation des offres comprendrait plutôt deux régimes alternatifs.
Comité de sélection
De plus, le projet de loi prévoit que, si la municipalité choisit d’utiliser un système de pondération et d’évaluation, elle devra obligatoirement constituer un comité de sélection et ce, peu importe le régime choisi. Pour le moment, cette obligation de constituer un comité de sélection s’applique uniquement dans le cadre du système « obligatoire », qui régit les appels d’offres visant des services professionnels.
Seuils d’appel d’offres
Par ailleurs, le projet de loi prévoit la possibilité, pour une municipalité, de hausser le seuil d’appel d’offres à 100 000 $. Actuellement, les contrats comportant une dépense inférieure à 25 000 $ peuvent être conclus de gré à gré, les contrats comportant une dépense supérieure ou égale à 25 000 $, mais inférieure à 100 000 $, doivent être conclus par demande de soumissions par invitation écrite et les contrats comportant une dépense supérieure à 100 000 $ doivent faire l’objet d’un appel d’offres public.
Le projet de loi prévoit une alternative à l’obligation de procéder par invitation écrite des soumissionnaires : dorénavant, pour les contrats comportant une dépense entre 25 000 $ et 100 000 $, une municipalité pourrait prévoir dans sa politique de gestion contractuelle les règles d’attribution de tels contrats, à la condition de publier sur son site internet le mode d’attribution choisi. Cette mesure avait déjà été annoncée lors de la présentation du Plan d’action gouvernemental pour alléger le fardeau administratif des municipalités. Pour justifier ce changement demandé par le milieu municipal, le gouvernement avait plaidé que le seuil de 25 000 $ était « anachronique » et n’avait pas été modifié depuis 2001.
Contrats d’emphytéose
Il faut aussi souligner que le projet de loi entend dorénavant assujettir les contrats d’emphytéose au processus d’adjudication de contrats par soumission publique. Cette mesure vise à encadrer une tendance observée dans le milieu municipal, soit la construction d’équipements municipaux tels que des arénas sur des terrains appartenant à une municipalité sans procéder à un appel d’offres. Cependant, la date d’application de cette mesure demeure inconnue pour l’instant.
Discussions avec les soumissionnaires
La règle qui prévoit la possibilité que l’ouverture des soumissions soit suivie de discussions individuelles avec chacun des soumissionnaires fait aussi l’objet d’un changement. Rappelons que cette règle avait été introduite par le gouvernement en 2011, dans le cadre du projet de construction de l’amphithéâtre de la Ville de Québec. Le projet de loi prévoit que le ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire pourrait autoriser une municipalité à verser une compensation financière aux soumissionnaires non retenus lorsqu’elle utiliserait ce mode « avec discussion et négociation ».
Organismes contrôlés
Finalement, le projet de loi introduit la notion d’« organismes contrôlés » et prévoit que ces organismes seraient assujettis aux règles applicables en matière d’adjudication de contrats de la même manière que les municipalités. Un organisme pourrait être qualifié de « contrôlé » dans plusieurs situations, par exemple si son conseil d’administration doit être composé majoritairement de membres nommés par une municipalité ou si son budget est adopté ou approuvé par une municipalité. Cette notion est similaire à la notion d’« organismes municipaux », qui est prévue à la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités et s’applique dans les cas d’inhabilité des élus municipaux.
Notre équipe ne manquera pas de vous tenir informés de l’évolution de ce projet de loi.