Loi 122 : plusieurs surprises !

Dans un billet publié le 7 mars dernier, nous vous informions de la présentation du projet de loi 122 à l’Assemblée Nationale et plus particulièrement de ses effets sur le cadre juridique applicable aux appels d’offres dans le milieu municipal. Contre toute attente, ce projet de loi a été adopté le 15 juin dernier, après avoir fait l’objet d’une étude détaillée en commission parlementaire. Un très grand nombre d’amendements ont cependant été apportés au projet de loi initial, de sorte que certaines des remarques que nous avions formulées en mars dernier doivent être révisées.

Le présent billet vise à décrire les modifications apportées au projet de loi initial et à préciser leurs effets sur les règles encadrant le processus d’appels d’offres dans le milieu municipal.

Contrats d’emphytéose

Le projet de loi prévoyait initialement que les contrats d’emphytéose portant sur les immeubles d’une municipalité seraient assujettis au processus d’adjudication de contrats par soumission publique. Or, dans la version finale, le législateur fait complètement marche arrière : les dispositions concernant l’encadrement des contrats d’emphytéose ont toutes été retirées, de sorte que le statu quo est maintenu pour le moment.

Politique de gestion contractuelle

L’expression « politique de gestion contractuelle » est à bannir : dorénavant, il sera plutôt question du « règlement sur la gestion contractuelle » de la municipalité. À la lecture de la loi 122, on constate que le contenu obligatoire du règlement est presque en tous points similaire à celui qui était prescrit pour l’actuelle politique. D’ailleurs, par l’effet d’une mesure transitoire, toutes les politiques de gestion contractuelle adoptées par des municipalités sous l’ancien régime de la loi sont réputées être des règlements sur la gestion contractuelle.

Seuils d’appel d’offres

Une alternative est prévue à l’obligation de procéder par invitation écrite auprès des soumissionnaires : dorénavant, pour les contrats qui comportent une dépense entre 25 000 $ et 100 000 $, une municipalité peut prévoir dans le règlement sur la gestion contractuelle les règles d’attribution de tels contrats. Cette mesure phare annoncée en grandes pompes par le gouvernement du Québec a été maintenue.

Cependant, afin d’encadrer l’exercice de ce pouvoir, le législateur a ajouté un élément au contenu obligatoire du règlement sur la gestion contractuelle. En effet, une municipalité qui souhaite attribuer de gré à gré des contrats entre 25 000 $ et 100 000 $ doit le prévoir dans son règlement sur la gestion contractuelle, mais doit également intégrer au règlement des mesures permettant d’assurer une rotation des éventuels cocontractants. Cet ajout du législateur s’inspire des règles prévues à la Loi sur les contrats des organismes publics.

Discussions avec les soumissionnaires

Dans le passé, la règle qui prévoit la possibilité que l’ouverture des soumissions soit suivie de discussions individuelles avec chacun des soumissionnaires ne s’appliquait qu’à un nombre très limité de contrats, par exemple, aux contrats par lesquels une municipalité confiait l’exploitation d’un parc. Le législateur avait initialement élargi la portée de cette règle en prévoyant que, dorénavant, le conseil municipal pourrait l’employer dès que la municipalité utilisait un des deux régimes de pondération et d’évaluation des offres. Dans la version finale, le législateur a maintenu sa décision d’élargir la portée de la règle, mais dans une moins grande mesure que celle initialement prévue. Les discussions individuelles ne sont en effet permises que dans le cadre du système de pondération et d’évaluation des offres qui s’appliquait auparavant de manière facultative à l’exception des appels d’offres visant des services professionnels, soit celui prévu aux articles 573.1.0.1 de la Loi sur les cités et villes et 936.0.1 du Code municipal du Québec.

Organismes contrôlés

Le projet de loi avait introduit la notion d’« organismes contrôlés » et prévoyait que ces organismes seraient assujettis au processus d’adjudication des contrats de la même manière que les municipalités. Il était notamment indiqué qu’un organisme dont le financement était assuré, pour plus de la moitié, par des fonds provenant d’une municipalité serait considéré comme « contrôlé ». Le législateur a ajouté une condition supplémentaire à cette règle dans la version finale : pour être considéré comme « contrôlé », un tel organisme doit également avoir des revenus annuels supérieurs ou égaux à 1 000 000 $.

Système de pondération et d’évaluation des offres

Bien que le législateur n’ait apporté aucune modification au projet de loi initial en ce qui concerne les systèmes de pondération et d’évaluation des offres, il est utile de rappeler que ce système comprend maintenant deux régimes alternatifs plutôt qu’un régime obligatoire et un régime facultatif. Rappelons aussi que, dès que la municipalité choisit d’utiliser un système de pondération et d’évaluation des offres, elle doit obligatoirement constituer un comité de sélection, peu importe le régime choisi.

Entrée en vigueur

Finalement, soulignons que, bien que le législateur ait prévu que la loi 122 entre en vigueur à la date de sa sanction, soit le 16 juin 2017, l’entrée en vigueur d’un grand nombre de ses dispositions est reportée au 1er janvier 2018.

En l’occurrence, les dispositions concernant le remplacement de la politique de gestion contractuelle par un règlement sur la gestion contractuelle, celles portant sur la possibilité d’attribuer de gré à gré des contrats d’une valeur entre 25 000 $ et 100 000 $ et celles portant sur l’assujettissement des « organismes contrôlés » au processus d’adjudication des contrats vont entrer en vigueur le 1er janvier 2018.

Cependant, les dispositions concernant le système de pondération et d’évaluation des offres et les discussions avec les soumissionnaires sont entrées en vigueur le 16 juin dernier.