Ouverture du nouveau pont Samuel-De Champlain : retour en 5 points sur la gestion contractuelle du projet
Le nouveau pont Samuel-De Champlain est officiellement ouvert à la circulation depuis le 24 juin, signalant la fin de cet immense projet de construction débuté en 2015.
Voici 5 points qui ont retenu notre attention en matière de gestion contractuelle dans le cadre du projet.
1- SNC-Lavalin
Au moment du lancement de l’appel d’offres pour les travaux de construction du nouveau pont, SNC-Lavalin faisait l’objet d’accusations de corruption et de fraude. Cependant, la « Politique d’inadmissibilité et de suspension », qui fait partie du « Régime d’intégrité » adopté par le gouvernement fédéral, prévoit que seule une déclaration de culpabilité par un tribunal entraîne automatiquement l’inadmissibilité d’une entreprise aux contrats publics fédéraux. SNC-Lavalin a donc pu participer à l’appel d’offres et faire partie du consortium qui a été choisi par le gouvernement fédéral.
2- Évaluation qualitative des soumissions
Dans un rapport publié en mai 2018, le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) a identifié certaines lacunes dans le processus d’évaluation qualitative des soumissions mis en place par le gouvernement fédéral. Par exemple, le gouvernement avait décidé que c’est après l’adjudication du contrat seulement qu’il allait vérifier si la conception du pont proposée par l’adjudicataire répondait à l’exigence d’une durée de vie de 125 ans. Le BVG a recommandé, dans le futur, de demander aux soumissionnaires de fournir des éléments démontrant que leur soumission remplit toutes les exigences techniques essentielles du projet.
3- Compensation financière
À la suite de l’adjudication du contrat, le gouvernement fédéral a versé une compensation financière de près de 10 millions de dollars aux soumissionnaires non retenus. Il s’agit d’une pratique courante dans le cadre d’appels d’offres visant des projets d’envergure, qui a pour but d’inciter les soumissionnaires à y participer, sachant que la préparation d’une soumission leur demandera un investissement important en temps et en argent.
4- Obligation de renseignement
En mars 2017, le consortium retenu pour la construction du nouveau pont a déposé une poursuite de 124 millions de dollars contre le gouvernement fédéral. Le consortium affirmait ne pas avoir été informé de la fragilité du pont existant, qui empêchait le transport de certaines pièces lourdes nécessaires à la construction du nouveau pont. Il avait donc dû trouver d’autres moyens pour transporter ces pièces, ce qui avait engendré des coûts supplémentaires importants. Une entente a finalement été conclue entre les parties, mais cette situation a rappelé l’importance, pour un donneur d’ouvrage public, d’agir de manière transparente envers les soumissionnaires et de leur divulguer toutes les informations pertinentes. Autrement, il risque de se faire reprocher un manquement à ses obligations de renseignement et de bonne foi.
5- Pénalités de retard
Le contrat conclu entre le gouvernement fédéral et le consortium prévoyait une livraison du nouveau pont le 1er décembre 2018. Des pénalités importantes étaient prévues en cas de retard : 100 000 $ par jour de retard pour les 7 premiers jours et 400 000 $ par jour de retard par la suite, pour un montant maximal de 150 millions de dollars. Pour différentes raisons, le pont a finalement été livré en juin 2019. Le consortium affirme qu’une partie des délais est justifiable et des discussions sont donc présentement en cours entre les parties quant au montant des pénalités qui devront être payées. Litige à venir ?