Révision de la règle du « plus bas soumissionnaire » : pistes de solution
Récemment, le gouvernement Legault s’est montré disposé à revoir la règle d’adjudication des contrats publics qui repose sur le principe du « plus bas soumissionnaire ». Plusieurs y voient une opportunité de modifier les règles applicables en matière d’appel d’offres pour que les donneurs d’ouvrage publics puissent miser davantage sur la qualité des biens / services / travaux qu’ils cherchent à acquérir.
Mais comment le législateur s’y prendra-t-il? Y a-t-il des écueils à éviter?
D’abord, il ne faut pas perdre de vue que l’objectif d’obtenir le meilleur prix pour un contrat repose sur un principe de saine gestion des fonds publics. De plus, à l’origine, la règle du prix le plus bas avait été introduite dans la législation pour insuffler plus d’objectivité dans le processus de sélection des entreprises appelées à faire affaire avec l’État et, ce faisant, à combattre le phénomène de la corruption.
Cela dit, la règle du prix le plus bas présente aussi son lot d’inconvénients. D’une part, selon certains, l’introduction de cette règle serait à l’origine même de la collusion dans l’industrie de la construction.
D’autre part, dans certains cas, le recours au plus bas soumissionnaire pour la réalisation d’un projet peut s’avérer un piètre investissement. Prenons l’exemple du projet de construction du pont Champlain dans les années 50. Il est à se demander si la durée de vie du pont n’aurait pas été plus longue si, à l’époque, nous avions misé davantage sur la qualité du projet, au lieu d’opter pour la solution « bon marché » …
En ce sens, le consensus actuel semble être que, collectivement, nous sommes prêts à payer un peu plus pour des biens / services / travaux de meilleure qualité.
Dans le contexte d’un appel d’offres, l’idée est donc de réduire l’incidence que peut avoir le prix d’une soumission dans le processus d’évaluation menant à l’octroi du contrat, et ce, afin de favoriser un autre critère d’évaluation, c’est-à-dire la qualité du bien / service / travaux à acquérir.
La recherche de ce résultat doit toutefois se faire en tentant de préserver un certain équilibre entre le prix et la qualité. Effectivement, outre le fait que la capacité de payer des contribuables ne soit pas sans limites, le processus d’évaluation de la qualité comporte certains risques en ce qu’il repose sur un critère plus subjectif, lequel laisse place à l’ « appréciation » de l’évaluateur et de ce fait, ouvre la voie au phénomène de la corruption.
Dans ce contexte, comment le législateur s’y prendra-t-il?
Vraisemblablement, le législateur s’affairera à déterminer les cas où il pourrait permettre l’évaluation de la qualité là où ce n’est pas actuellement permis (ex : contrats de construction octroyés par les organismes publics au sens de la Loi sur les contrats des organismes publics[1]). Il pourrait aussi permettre aux donneurs d’ouvrage d’accorder plus de poids au critère de la qualité là où il est déjà permis d’y avoir recours (ex : contrats de service).
Mais, en marge de ces possibilités, il y aurait peut-être une autre façon de faire… Il s’agit d’une règle d’adjudication peu connue, soit celle du « plus bas soumissionnaire à l’intérieur de l‘écart-type ». La prémisse consiste à donner le contrat, parmi plusieurs soumissionnaires, non pas au plus bas soumissionnaire, mais à celui dont le prix soumis a le moins grand écart comparativement à la moyenne de tous les prix soumis. Sans entrer dans les détails, il est possible de prévoir une panoplie de variations de cette formule afin de l’adapter à divers contextes (ex : si le nombre de soumissionnaires est insuffisant, etc.). Bref, la méthode a l’avantage de favoriser les soumissions « de qualité » (en éliminant l’octroi systématique au plus bas soumissionnaire), d’être hautement imprévisible sur le plan de qui remportera l’appel d’offres (lire « combat la collusion »), le tout sans que le donneur d’ouvrage ait nécessairement besoin d’avoir recours à des critères d’évaluation subjectifs (lire « combat la corruption »)[2].
Force est de constater qu’il y a définitivement matière à réflexion sur le sujet! En ce sens, afin de considérer un maximum de solutions, y compris les moins « traditionnelles », le législateur aurait avantage à consulter massivement les plusieurs intervenants du milieu.