Estimation de la valeur du contrat : un soumissionnaire peut-il la contester ?

Contrat de gré à gré, appel d’offres sur invitation ou appel d’offres public ?

La décision revient à l’organisme, en fonction de l’estimation de la valeur du contrat et de ses lignes internes de conduite (pour un organisme public) ou de son règlement sur la gestion contractuelle (pour un organisme municipal).

Dans cette optique, un soumissionnaire en désaccord avec le mode de sollicitation choisi par l’organisme peut-il contester l’estimation de la valeur du contrat ?

L’Autorité des marchés publics (AMP) a abordé cette question dans une décision récente visant le ministère des Transports du Québec (MTQ).

L’AMP a mentionné que « l’exercice d’estimation des coûts se rattachant à l’exécution du contrat envisagé relève de l’appréciation de l’organisme public » et que « c’est l’organisme public lui-même qui est le mieux placé pour évaluer avec justesse la valeur approximative de ce contrat ». En l’occurrence, elle a donné raison au MTQ, qui a lancé un appel d’offres public après avoir estimé que la valeur du contrat à être octroyé serait supérieure au seuil d’appel d’offres public applicable.

Par contre, l’organisme doit bien documenter l’analyse effectuée en amont et les calculs qui lui ont permis d’estimer la valeur du contrat. L’AMP a d’ailleurs mentionné qu’elle a pris sa décision « à la lecture de la documentation fournie au soutien des observations du MTQ ».

Faut-il conclure de cette décision qu’un organisme est toujours à l’abri d’une contestation d’un soumissionnaire relativement à son estimation de la valeur du contrat ? Non, puisque l’AMP mentionne que « rien dans les observations reçues ne permet à l’AMP de conclure que l’estimation de la valeur du contrat faite par le MTQ est déraisonnable ». On comprend a contrario qu’une estimation déraisonnable de la valeur d’un contrat pourrait mener à une intervention de l’AMP.

D’ailleurs, à ce sujet, rappelons que l’organisme doit faire preuve de prudence lorsque le montant estimé de la valeur du contrat est proche du seuil d’appel d’offres public. Dans un tel cas, la pratique recommandée est de faire un appel d’offres public.

Dans son rapport annuel pour l’année 2019, publié récemment, le Bureau de l’inspecteur général de la Ville de Montréal (BIG) a justement abordé cette question.

Le BIG a confirmé qu’un organisme municipal peut attribuer un contrat de gré à gré lorsque le prix du contrat incluant les taxes nettes (c’est-à-dire les taxes applicables, déduction faite des remboursements de taxes dont il bénéficie) est inférieur au seuil d’appel d’offres public. En effet, dans ce cas, le montant de la « dépense réelle » ne dépasse pas le seuil d’appel d’offres public. Le BIG a cependant souligné que « cette pratique expose le donneur d’ouvrage à un plus grand risque lorsque la dépense atteint de si près la limite des seuils ».