Résiliation d’un contrat d’entreprise : Quelles sont les règles à suivre?

Quand il s’agit de résilier un contrat d’entreprise, mieux vaut être prudent!

Pour ce type de contrat, le Code civil du Québec (« C.c.Q. ») prévoit deux modes de résiliation possibles, résiliation-sanction (art. 1604 C.c.Q.) ou unilatérale (art. 2125 et 2129 C.c.Q.). Mais encore faut-il que le donneur d’ordre manifeste clairement son intention vis-à-vis de l’entrepreneur.

Dans une décision récente visant la Ville de Québec (« la Ville »), la Cour supérieure a précisé la différence entre ces deux modes de résiliation. Elle y énonce les principes, tout en précisant que le donneur d’ordre doit faire un choix s’il décide d’opter pour la résiliation unilatérale.

La principale différence entre résiliation-sanction ou unilatérale réside au niveau des sanctions :

  • La résiliation-sanction suppose que le débiteur soit en défaut d’exécution de ses obligations contractuelles; elle permet de réclamer des sanctions à l’encontre d’un tel débiteur (ex : dommages ou réduction proportionnelle de l’obligation). (art. 1590, 1604 et 1611 C.c.Q.)
  • La résiliation unilatérale est une résiliation sans motif, autrement dit à la discrétion du donneur d’ordre. Ce dernier renonce aux sanctions que lui accorderait la loi (art. 1590 C.c.Q.) et l’entrepreneur ne peut réclamer que les frais et dépenses actuelles (solde contractuel, frais engagés à l’avance). L’entrepreneur se voit ainsi privé de sa réclamation en dommages fondée, entre autres, sur les profits futurs relatifs aux contrats résiliés.

Les conditions pour exercer chacun des modes de résiliation sont les suivantes:

Le donneur d’ordre doit être en mesure de justifier la résiliation-sanction en démontrant un défaut d’importance en lien avec le contrat. Si les manquements contractuels reprochés au débiteur sont de peu d’importance, la résiliation-sanction pourra être considérée comme illégale ou non fondée par un tribunal; l’entrepreneur sera en droit de réclamer les dommages. 

La résiliation unilatérale permet au donneur d’ordre de mettre fin au contrat sans avoir à se justifier. Il rompt son lien de confiance avec l’entrepreneur. Cette décision lui appartient sans avoir à fournir d’explication.

Faits de l’espèce : En 2014, la Ville résilie les 4 contrats d’entreprise issus d’appels d’offres publics, qu’elle avait accordés de 2013 à 2014 à Neptune, une entreprise spécialisée dans le domaine de la sécurité, le gardiennage, la surveillance et le maintien de l’ordre.

  • Selon Neptune, la résiliation de chacun des contrats se fonde sur le concept de la résiliation-sanction. Cette dernière réclame des dommages et intérêts, considérant que les motifs de résiliation invoqués sont non fondés ou de peu d’importance.
  • De son côté, la Ville argumente que tous les contrats ont été résiliés sur la base de la résiliation unilatérale suivant les dispositions contractuelles. En vertu d’un tel mode de résiliation, aucun dommage ne peut lui être réclamé.

Le Tribunal conclut d’une part que la Ville a été fautive en imposant des résiliations-sanctions, et d’autre part que celles-ci ont été imposées sans droit.

La Cour précise qu’à défaut d’opter clairement pour la résiliation unilatérale, le contrat est résilié selon la résiliation-sanction :

« L’exercice du droit strict de la résiliation unilatérale (art. 2129 C.c.Q.), disponible seulement pour le contrat d’entreprise, doit être énoncé clairement par le client afin de dénoncer à l’entrepreneur le mode de résiliation unilatérale (art. 2129 C.c.Q.). À défaut, le client résilie le contrat en vertu des principes prévus à la règle générale. Dans notre cas, la Ville n’a pas clairement opté pour la résiliation unilatérale, tout au contraire; »

Fait intéressant : La résolution émise par la Ville afin de résilier chacun des contrats contenait une mention à l’effet que cette dernière réservait tous ses droits et recours à l’encontre de Neptune. La Cour a souligné qu’une telle clause de réserve est incompatible avec l’exercice de la résiliation unilatérale par le client.

Un donneur d’ordre ne peut donc résilier unilatéralement un contrat d’entreprise tout en réservant ses droits et recours.

En conclusion, la Cour nous rappelle qu’en cas de doute sur l’interprétation quant au choix du mode de résiliation, il revient au donneur d’ordre d’établir, clairement et sans ambiguïté, qu’il a opté à l’époque de l’exercice de son choix pour la résiliation unilatérale, et démontrer que l’entrepreneur savait qu’il a été privé de son recours à l’indemnisation qui demeure la règle générale.