Force majeure : une rédaction de clause non point mineure

En mars dernier, lorsque le gouvernement a ordonné par décret la fermeture des commerces et des services non prioritaires ou non essentiels, plusieurs se demandaient quelles seraient les conséquences de la Covid-19 sur les ententes commerciales. Alors que les entreprises ont vu leurs revenus chuter et leurs échéanciers financiers inchangés, est-ce que le contexte actuel de pandémie pourrait amener certaines entreprises à soulever la force majeure pour réduire ou même échapper à leurs obligations contractuelles?

Jusqu’à tout récemment, les tribunaux québécois ne s’étaient pas encore penchés sur la question. Mais, voilà qu’en juillet dernier, la Cour supérieure du Québec, dans une affaire de louage commercial[1], a déclaré qu’il s’agissait bien d’un cas de force majeure, non pas pour le locataire incapable de générer un revenu, mais bien pour le locateur. En effet, la Cour a statué que le décret est un cas de force majeure pour le locateur qui est dans l’impossibilité de procurer la jouissance paisible des lieux loués à son locataire, et que, conséquemment, le locateur ne peut exiger l’obligation corolaire, soit le paiement du loyer. Il faut savoir qu’en l’espèce, il s’agit d’un bail commercial qui stipule que les lieux loués sont exclusivement réservés à une destination de gymnase et, en raison du décret, les gymnases n’étaient pas autorisés à ouvrir dans la province avant la fin juin.

Il est à noter que la Cour arrive à cette conclusion malgré une clause de force majeure au bail prévoyant que le locataire devait continuer de payer son loyer en cas de force majeure. Une clause qui vise simplement les obligations retardées par la force majeure, et non carrément empêchées, ne peut trouver application en pareille situation. Comme quoi la rédaction d’une clause à une incidence majeure sur la portée du contrat.

Il reste à voir si cette cause sera portée en appel ou encore comment les tribunaux interpréteront d’autres clauses de force majeure semblables à l’avenir.


[1] Hengyun International Investment Commerce Inc. c. 9368-7614 Québec Inc., 2020 QCCS 2251 (CanLII).