Imposition de critères de développement durable dans les appels d’offres : un tour d’horizon
Vous considérez la possibilité d’exiger, dans un éventuel appel d’offres, que les soumissions répondent à des exigences en matière de développement durable mais ne savez pas par où commencer? Nous vous proposons un survol des possibilités qui s’offrent présentement et qui s’offriront bientôt à vous, selon que vous œuvriez pour un organisme public ou un organisme municipal (sociétés de transport y comprises)!
Les organismes publics
Depuis plus de 10 ans déjà, les organismes publics peuvent choisir de prendre en compte une spécification en matière de développement durable ou d’environnement dans leurs appels d’offres[1]. Si l’organisme public souhaite ce-faire et que :
- la concurrence est suffisante, le critère peut prendre la forme d’une exigence sur le plan de la conformité;
- la concurrence est insuffisante, le critère doit prendre la forme d’une marge préférentielle à accorder aux soumissions qui répondent au critère.
Cette possibilité a fait l’objet d’un billet précédent. Nous vous invitons à le consulter!
Par ailleurs, selon un article de journal récent[2], lequel rapporte des propos tenus à l’assemblée nationale, le gouvernement québécois travaillerait présentement sur un projet de loi visant à modifier le cadre législatif applicable, de façon à encadrer davantage, voire imposer, le recours à des critères écologiques.
C’est un dossier à suivre!
Les organismes municipaux
On peut se demander si l’éventuel projet de loi susmentionné visera uniquement les organismes publics ou s’il s’étendra également aux organismes municipaux. L’avenir nous le dira!
Pour l’instant, l’adoption récente du projet de loi 67[3] a eu pour effet de modifier le cadre législatif applicable aux organismes municipaux afin de prévoir, de façon spécifique, la possibilité pour ces organismes d’adopter une « Politique d’acquisition responsable » qui tienne compte des principes prévus à l’article 6 de la Loi sur le développement durable[4].
Il est intéressant de noter que la notion de « développement durable » dans la Loi sur le développement durable s’entend d’un « développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs »[5]. Par railleurs, il repose sur « une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement »[6].
Cette conception du développement durable dans la Loi sur le développement durable ainsi que la multitude de principes énoncés à son article 6 confèrent une grande latitude aux organismes municipaux pour élaborer leur « politique d’acquisition responsable ».
Nous avons pu répertorier quelques exemples de politiques de ce type[7] et, après analyse, nous sommes en mesure de dégager quelques tendances :
- les trois grandes dimensions susmentionnées, soit la dimension économique, la dimension sociale et la dimension environnementale sont reprises par la plupart des politiques;
- une grande importance est accordée à la disposition des matières résiduelles ainsi qu’au recours aux « 3RV » (Réduction à la source, réemploi, recyclage et valorisation);
- les politiques sont, de façon générale, « complémentaires » aux dispositions légales en matière d’approvisionnement ainsi qu’au Règlement de gestion contractuelle applicables et n’ont pas préséance sur ces derniers;
- dans un contexte d’appel d’offres, la mise en œuvre des politiques se traduit généralement par :
- l’élaboration de spécifications techniques durables dans un contexte de concurrence élevée (pour tous les modes d’adjudication); et
- l’élaboration de critères d’analyse de la qualité en lien avec le développement durable dans un contexte de concurrence peu élevée (pour les modes d’adjudication comprenant une évaluation de la qualité);
- plusieurs politiques permettent la prise en compte de certifications environnementales en lien avec le soumissionnaire (ex : ISO 14 001) et/ou le produit/service (ex : EcoLogo);
- pour certaines des politiques, il y a eu une révision analogue du Règlement de gestion contractuelle applicable afin d’y incorporer des « clauses de préférence » en lien avec le développement durable;
En fin de compte, force est de constater que les organismes publics et les organismes municipaux détiennent déjà de puissants outils pour mettre de l’avant des exigences en matière de développement durable.
Néanmoins, ils demeurent libres d’y avoir recours ou non. Vont-ils répondre à l’appel?
Il sera intéressant de voir si le gouvernement continuera dans la voie actuelle du « libre choix » à l’organisme, ou si, au contraire, il édictera des mesures obligatoires en matière de développement durable à incorporer aux appels d’offres.Nous surveillerons ce dossier pour vous!
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[1] Règlement sur certains contrats d’approvisionnement des organismes publics, RLRQ, c. C-65.1, r. 2, article 37; Règlement sur certains contrats de services des organismes publics, RLRQ, c. C-65.1, r. 4, art. 50; Règlement sur les contrats des organismes publics en matière de technologies de l’information, RLRQ, chapitre C-65.1, r.5.1, art. 61; Règlement sur les contrats de travaux de construction des organismes publics, RLRQ, chapitre C-65.1, r.5, art. 40.
[2] Voir l’article paru le 30 mars 2021 dans le journal « La Presse », accessible au : https://www.lapresse.ca/actualites/2021-03-30/appels-d-offres/le-gouvernement-songe-a-imposer-des-criteres-ecologiques.php.
[3] Projet de loi n° 67, Loi instaurant un nouveau régime d’aménagement dans les zones inondables des lacs et des cours d’eau, octroyant temporairement aux municipalités des pouvoirs visant à répondre à certains besoins et modifiant diverses dispositions.
[4] L.R.Q. c. D-8.1.1 [ci-après « Loi sur le développement durable »].
[5] Loi sur le développement durable, art. 2.
[6] Idem.
[7] Nous avons répertorié et analysé les politiques suivantes : « Politique d’approvisionnement responsable », Ville de Drummondville, adoptée le 15 février 2021; « Politique d’approvisionnement responsable », Ville de Longueuil, adoptée le 28 mai 2013 et révisée le 27 mars 2019; « Guide d’approvisionnement responsable », Ville de Pointe-Claire, approuvé par le Conseil municipal le 11 septembre 2018 (résolution no. 2018-651); « Politique d’achats responsables », MRC de Drummond, adoptée le 9 mars 2016;