Au cours des dernières semaines, plusieurs observateurs ont demandé au gouvernement du Québec de mettre fin à l’état d’urgence sanitaire. Rappelons que, par un récent décret, l’état d’urgence sanitaire a été prolongé jusqu’au 25 mars 2022, mais que, parallèlement, le gouvernement a déposé à l’Assemblée Nationale le projet de loi 28 (Loi visant à mettre fin à l’état d’urgence sanitaire), qui vise à encadrer la période de transition qui va suivre la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Le projet de loi 28 prévoit que l’état d’urgence sanitaire, déclaré le 13 mars 2020 (voir un billet précédent) et renouvelé par le gouvernement tous les 10 jours depuis, « prend fin ».
Il prévoit aussi que « les mesures prévues par décrets ou par arrêtés du ministre de la Santé et des Services sociaux pris en vertu de l’article 123 de la Loi sur la santé publique […] qui sont en vigueur au moment où prend fin l’état d’urgence sanitaire le demeurent jusqu’au 31 décembre 2022 ». Plusieurs groupes ont critiqué cette formulation, la jugeant trop floue. Dans une conférence de presse, le ministre de la Santé et des Services sociaux a précisé que certains décrets seulement seraient maintenus en vigueur, notamment celui concernant la conclusion de contrats de gré à gré. Si ce décret est effectivement maintenu en vigueur, les établissements du réseau de la santé pourront théoriquement continuer, dans l’immédiat, de conclure les contrats qu’ils jugent nécessaires pour protéger la santé de la population, « sans délai et sans formalité ». Il faut cependant nuancer cette affirmation : même si le décret demeure en vigueur, il sera plus difficile, en pratique, de justifier la conclusion d’un contrat de gré à gré plutôt que par appel d’offres dans l’optique où l’état d’urgence sanitaire, lui, aura pris fin. Cette mise en garde vise aussi les organismes publics et municipaux qui voudraient utiliser l’exception de « l’urgence » pour attribuer un contrat de gré à gré au cours des prochaines semaines ou mois.
Toujours en matière de gestion contractuelle, ce projet de loi prévoit ce qui suit :
Malgré toute disposition inconciliable de la Loi sur les contrats des organismes publics (chapitre C-65.1) ou de toute autre loi ou de tout règlement, les contrats conclus par le ministre ou par un établissement de santé et de services sociaux pendant l’état d’urgence sanitaire en application du décret no 177-2020 du 13 mars 2020 (2020, G.O. 2, 1101A) et de ses modifications subséquentes qui sont toujours en vigueur à la fin de l’état d’urgence sanitaire et qui sont nécessaires pour assurer le bon fonctionnement des cliniques de dépistage ou de vaccination peuvent être prolongés pour une période n’excédant pas le 31 décembre 2022.
Malgré ce qui précède, la durée ou la valeur de tout contrat existant ayant pour objet l’entreposage ou le transport de biens acquis pendant la pandémie de la COVID-19 peut être prolongée ou augmentée jusqu’à ce que les stocks soient épuisés. Toutefois, la durée de ces contrats ne peut excéder une période de cinq ans suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Les premières réactions au projet de loi 28 semblent indiquer que ces mesures feront également l’objet de discussions dans le cadre des travaux en commission parlementaire.
En lien avec la fin prochaine de l’état d’urgence sanitaire, un autre dossier est à surveiller : la Loi sur la santé publique prévoit que, dans les 3 mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire, le ministre de la Santé et des Services sociaux doit déposer à l’Assemblée Nationale un « rapport d’événement ». Le rapport doit notamment préciser les mesures d’intervention mises en œuvre pendant l’état d’urgence sanitaire et les pouvoirs exercés en vertu de l’article 123 (il s’agit de l’article qui prévoit notamment la possibilité de faire les dépenses et de conclure les contrats jugés nécessaires). En théorie, le gouvernement pourrait se limiter, dans le rapport, à faire référence au décret concernant la conclusion de contrats de gré à gré et renvoyer le lecteur à la liste des contrats conclus qui est publiée au SEAO. Les partis d’opposition insistent cependant pour que le rapport présente une liste exhaustive des contrats conclus et des motifs qui ont justifié leur conclusion de gré à gré et constitue donc un véritable compte-rendu.