Au Québec, un organisme municipal qui veut émettre un appel d’offres public doit choisir le mode d’adjudication du contrat parmi les 3 qui sont autorisés par les lois municipales[1] :
- Le prix le plus bas, qui est souvent utilisé pour les contrats d’approvisionnement, de services de nature technique et de travaux de construction ou de voirie (et qui est par ailleurs interdit pour les contrats de services professionnels) ;
- Le système de pondération et d’évaluation des offres à double enveloppe, qui est souvent utilisé pour les contrats de services professionnels ; et
- Le système de pondération et d’évaluation des offres à une enveloppe[2], qui est le sujet du présent billet.
D’emblée, il faut souligner que le système de pondération et d’évaluation des offres à une enveloppe est le moins populaire des 3 modes d’adjudication. À ce jour, il demeure peu utilisé par les organismes municipaux, bien que la loi permette de l’utiliser pour toutes les catégories de contrats (approvisionnement, services et travaux de construction).
Ce mode d’adjudication a une particularité : le prix est obligatoirement un des critères de qualité évalués par le comité de sélection. La loi fait en effet référence à « un système de pondération et d’évaluation des offres en vertu duquel chacune obtient un nombre de points basé, outre le prix, sur […] ». Puisque le prix est un critère de qualité, la soumission la plus basse obtiendra forcément plus de points pour ce critère que la soumission la plus élevée ; les autres critères de qualité (ex. : l’expérience) seront également évalués par le comité de sélection et le contrat sera adjugé au soumissionnaire ayant obtenu le meilleur pointage.
Puisque la loi ne prévoit pas de pondération minimale ou maximale pour le critère du prix, le choix de cette pondération est à la discrétion de l’organisme municipal, avant l’émission de l’appel d’offres. Selon ses besoins, il peut décider d’accorder une forte prépondérance au prix ou à la qualité. Il s’agit donc d’une option très intéressante pour un organisme qui veut utiliser un mode d’adjudication comprenant une évaluation de la qualité, sans pour autant choisir le système à double enveloppe, qui mène très souvent à une adjudication au soumissionnaire qui a présenté le prix le plus bas. Cet enjeu est bien résumé dans la Feuille de route pour améliorer la réalisation des projets publics, publiée par l’Association des architectes en pratique privée du Québec (AAPPQ) et l’Association des firmes de génie-conseil – Québec (AFG) en novembre 2021 :
Dans un souci de ne pas faire de compromis sur la qualité et la durabilité dans un contexte d’accélération des projets, les municipalités devraient privilégier la formule d’appels d’offres « qualité/prix proportionnel » pour la sélection des firmes de services professionnels. Cette formule peut atteindre efficacement les objectifs de qualité et de durabilité avec une pondération de 90 % de la note pour l’aspect qualité et 10 % pour le prix. Elle s’avère hautement préférable à la formule d’octroi de contrats de 2002, révisée en 2017, qui mène presque systématiquement à la sélection du plus bas soumissionnaire, une approche qui ne favorise pas l’optimisation, l’innovation et le meilleur coût de possession.
Soulignons que « la formule d’octroi de contrats de 2002 » à laquelle il est fait référence est le système de pondération et d’évaluation des offres à double enveloppe, tandis que la révision de 2017 correspond à la modification à la formule mathématique du système à double enveloppe introduite par la loi 122[3] en 2017. En effet, depuis 2017, le facteur qui est additionné à la note intérimaire peut varier entre 0 et 50 au lieu d’être fixé à 50 comme dans le passé, l’objectif étant de permettre à l’organisme municipal d’accorder davantage d’importance à la qualité (voir un bulletin du MAMH à ce sujet). Malheureusement, cette nouveauté n’a pas eu l’effet voulu, d’où les commentaires de l’AAPPQ et de l’AFG.
Nous pensons donc que les organismes municipaux ont certainement avantage à considérer plus souvent l’utilisation du système de pondération et d’évaluation des offres à une enveloppe. Au cours des dernières années, nous avons d’ailleurs observé un léger regain d’intérêt dans le milieu municipal pour ce mode d’adjudication. Par exemple, en 2019, la Ville de Québec a annoncé que les contrats de services de transport des matières résiduelles seraient adjugés à la suite d’une évaluation de la qualité avec le système de pondération et d’évaluation des offres à une enveloppe, plutôt que de procéder par une adjudication au prix le plus bas comme dans le passé.
Par ailleurs, bien que ce mode d’adjudication ne soit pas présentement autorisé par la Loi sur les contrats des organismes publics (LCOP), on remarque également un intérêt à ce sujet du côté des organismes publics.
En 2020, dans le cadre des travaux en commission parlementaire pour le projet de loi 37 (qui a entraîné la création du Centre d’acquisitions gouvernementales (CAG) : voir notre billet précédent), la Fédération des chambres de commerce du Québec a souligné dans son mémoire la nécessité de réformer la LCOP. Elle a spécifiquement fait référence au système de pondération et d’évaluation des offres à une enveloppe des lois municipales, en mentionnant que « ce mode d’adjudication n’est pas offert aux organismes publics assujettis à la LCOP ».
Tout récemment, ce point a été soulevé pendant les travaux en commission parlementaire pour le projet de loi 12 (Loi visant principalement à promouvoir l’achat québécois et responsable par les organismes publics, à renforcer le régime d’intégrité des entreprises et à accroître les pouvoirs de l’Autorité des marchés publics). En effet, Medtech Canada, une association qui représente l’industrie des technologies médicales, a recommandé de modifier la LCOP et « d’y ajouter un mode d’adjudication fondé sur « l’évaluation de l’offre soumise en fonction de critères pondérés incluant le prix », c’est-à-dire la « valeur » ».
Dans cette optique, ce mode d’adjudication pourrait-il éventuellement être ajouté au cadre normatif des organismes publics ? Cette possibilité est très intéressante.
Pour plus d’informations au sujet de ce mode d’adjudication, vous pouvez consulter le Guide sur les modes d’adjudication de contrats par appel d’offres public du MAMH.
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[1] Il existe également un quatrième mode d’adjudication, que nous n’aborderons cependant pas dans le présent billet : le mode d’adjudication avec discussions et négociations.
[2] Loi sur les cités et villes, RLRQ, c. C-19, art. 573.1.0.1.1 ; Code municipal du Québec, RLRQ, c. C-27.1, art. 936.0.1 ; Loi sur les sociétés de transport en commun, RLRQ, c. S-30.01, art. 96.
[3] Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs, L.Q. 2017, c. 13.