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L’application des règles de gestion contractuelle aux organismes dans le giron des organismes municipaux : le cas de Tricentris

Tricentris est l’une des plus importantes organisations de gestion des matières résiduelles au Québec. Desservant aujourd’hui plus de 200 municipalités membres ou clientes, l’entreprise estime recevoir et traiter les matières recyclables de plus de 2 millions de citoyens des Laurentides, de l’Outaouais, de la Montérégie, de Lanaudière et de l’Abitibi-Témiscamingue.

 

Des ententes de gré à gré

Dernièrement, une entente de 8,6 millions de dollars intervenue de gré à gré en 2017 entre plusieurs organismes municipaux incluant la Ville de Laval (ci-après, la « Ville ») et Tricentris (qui avait alors le statut d’organisme à but non lucratif), a fait couler beaucoup d’encre alors qu’elle a été jugée illégale par la Cour d’appel du Québec[1]. Cette entente confiait à Tricentris la gestion des matières recyclables. Dans un jugement rendu le 20 octobre 2021, la Cour en vient à la conclusion que le contrat conclu ne pouvait échapper au processus d’appel d’offres prévu à la Loi sur les cités et villes (ci-après, la « LCV »). Elle juge que les organismes « ont tenté de contourner » la loi en se rassemblant sous le chapeau d’une entreprise privée, soit-elle à but non lucratif, afin d’exercer indirectement certaines de leurs compétences.

Conformément au prononcé de cette décision, la Ville a lancé, en novembre 2021, un appel d’offres public en vue du renouvellement du contrat de services. Dans le cadre de ce processus, l’entreprise Ricova a déposé la plus basse soumission à 2,1 millions de dollars, tandis que Tricentris a fait une offre à 2,4 millions. Toutefois, l’appel d’offres a par la suite été annulé et le contrat a une fois de plus été conclu de gré à gré avec Tricentris.

Cela est dû au fait que dans l’intervalle, Tricentris a procédé, avec l’accord du ministère de l’Économie et de l’Innovation, à un changement de statut afin de poursuivre ses activités en tant que coopérative de solidarité (voir son communiqué). Ce statut permet aux organismes municipaux qui en sont membres de bénéficier de l’exemption prévue à l’article 573.3 de la LCV, qui prévoit notamment la possibilité de conclure de gré à gré des contrats dont l’objet est la fourniture de services par de tels organismes. Dès lors, en devenant membre de la coopérative, la Ville était d’avis qu’elle pouvait se soustraire aux règles générales d’attribution des contrats publics afin d’octroyer de gré à gré le contrat de gestion des matières recyclables.

Tricentris a également été désignée comme étant un « organisme municipal » assujetti à la LCV en vertu du paragraphe 5° du premier alinéa de l’article 573.3.5 de la LCV par le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation, dans un décret publié à la gazette officielle du Québec le 30 mars 2022, de sorte que la responsabilité de s’approvisionner par appels d’offres lui revient.

 

Recours judiciaires?

Malgré cela, la saga judiciaire risque de se poursuivre alors que Ricova envisage les recours judiciaires afin de contester la conclusion du contrat pour la gestion des matières recyclables sur le territoire lavallois. Étant le plus bas soumissionnaire conforme, elle est d’avis qu’elle aurait dû remporter l’appel d’offres et que l’exercice de la clause de réserve n’était pas justifié. Elle va possiblement alléguer aussi que la Ville aurait dû annuler l’appel d’offres plus tôt, soit avant d’octroyer le contrat de gré à gré à Tricentris, car, tel qu’établi dans l’affaire 9150-2732 Québec inc. c. Ville de Montréal, 2021 QCCS 2899, en négociant avec une autre entreprise tout en maintenant en vigueur l’appel d’offres et l’obligation du soumissionnaire de maintenir sa soumission pour la durée prévue à l’appel d’offres, la Ville engage sa responsabilité[2].

Il faut également se rappeler que Ricova, qui aurait normalement remporté le contrat n’eût été l’annulation de l’appel d’offres, a fait l’objet d’un rapport écrasant du Bureau de l’Inspecteur Général de la ville de Montréal (ci-après, le « BIG ») en mars dernier. L’enquête administrative du BIG a notamment révélé que l’entreprise aurait commis des manœuvres frauduleuses dans le but de s’enrichir, privant la ville de Montréal de millions de dollars. Montréal a d’ailleurs déclaré « inadmissible pour une durée de cinq ans » Ricova ainsi que son dirigeant, Dominic Colubriale[3]. Ces derniers contestent toutefois cette décision devant la Cour supérieure.


[1] MRC de Vaudreuil-Soulanges c. Location Ricova inc., 2021 QCCA 1535.

[2] Ce jugement a cependant été porté en appel.

[3] Voir : « Ricova placé sur la « liste noire » de Montréal pour cinq ans », Henri Ouellet-Vézina, La Presse, 8 juin 2022, en ligne : <https://www.lapresse.ca/actualites/grand-montreal/2022-06-08/gestion-des-centres-de-tri/ricova-place-sur-la-liste-noire-de-montreal-pour-cinq-ans.php>.

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