Autorisation de contracter : du nouveau!
La Cour d’appel du Québec a récemment rendu un jugement au sujet de l’interprétation de l’article 21.17 de la LCOP concernant l’obligation de détenir une autorisation de contracter. Parallèlement, l’adoption récente d’un projet de loi a changé la donne pour les organismes publics et municipaux en ce qui concerne les délais dans lesquels un soumissionnaire doit produire son autorisation de contracter dans le cadre d’un appel d’offres. Dans le présent billet, nous vous présentons le tout.
Taxes nettes
Rappelons brièvement les faits : en 2013, un organisme municipal émet un appel d’offres visant des travaux de construction. À l’époque, le seuil applicable pour la détention d’une autorisation de contracter est de 10 000 000 $. Or, au moment de l’ouverture des soumissions, l’organisme constate que le plus bas soumissionnaire n’a pas d’autorisation de contracter. Il lui adjuge néanmoins le contrat après avoir fait la distinction entre le montant inscrit au bordereau de prix (qui est supérieur à 10 000 000 $) et le montant réel de la dépense (qui est inférieur à 10 000 000 $ selon lui). Pour établir le montant réel de la dépense, il considère les taxes nettes, c’est-à-dire les taxes applicables, déduction faite des remboursements de taxes dont il bénéficie ; de plus, il ne considère pas le montant forfaitaire pour les « travaux imprévus » qui a été inscrit au bordereau de prix. Un soumissionnaire rival en désaccord avec cette manière de procéder intente cependant une action en dommages-intérêts. Il prétend que l’organisme a retenu une soumission non conforme.
Dans son jugement[1], la Cour d’appel confirme le jugement de la Cour supérieure[2] à l’effet que « la valeur d’un contrat se distingue de la dépense qu’il entraîne ». Par conséquent, l’exigence de détenir une autorisation de contracter « est liée à la dépense engendrée par le contrat devant être octroyé et non pas à la valeur du contrat apparaissant au bordereau de la soumission ».
En ce qui concerne les remboursements de taxes dont bénéficie l’organisme, nous sommes entièrement d’accord avec le raisonnement de la Cour d’appel. À ce sujet, mentionnons qu’il peut être utile, au moment de rédiger les documents d’appel d’offres, d’indiquer dans la clause concernant l’autorisation de contracter le pourcentage de taxes nettes applicable à l’organisme municipal. D’ailleurs, pour les organismes publics assujettis à la LCOP, c’est l’approche que prévoit le Secrétariat du Conseil du trésor (SCT) dans ses gabarits. Étonnamment, ni le jugement de la Cour supérieure ni celui de la Cour d’appel ne le mentionnent ! C’était pourtant un indice additionnel pour appuyer leur interprétation de l’article 21.17 de la LCOP.
Par contre, en ce qui concerne le montant forfaitaire pour les « travaux imprévus », nous nous questionnons par rapport à un point. La Cour d’appel est d’avis que ce montant ne doit pas être considéré puisque l’organisme « ne s’engage pas à payer ce montant ». Suivant ce raisonnement, il ne faudrait pas davantage considérer la dépense découlant d’une option de renouvellement du contrat puisque l’organisme ne s’engage pas d’emblée à l’exercer ! Or, l’article 21.17 de la LCOP prévoit qu’il faut la considérer pour déterminer si l’autorisation de contracter est requise. Cette question est cependant principalement théorique puisqu’il n’est pas recommandé pour les organismes municipaux de prévoir au bordereau de prix un poste pour les « contigences », les « travaux imprévus », etc. et que cette pratique est d’ailleurs de moins en moins répandue. Pour les organismes publics assujettis à la LCOP, cette pratique nous semble même contraire au Règlement sur les contrats de travaux de construction des organismes publics puisque celui-ci prévoit des règles détaillées par rapport aux changements apportés aux travaux en cours de contrat.
On peut cependant conclure de ce jugement que, lorsqu’il constate l’absence de l’autorisation de contracter bien que le montant indiqué au bordereau de prix soit supérieur au seuil applicable[3], l’organisme municipal ne doit pas immédiatement conclure à la non-conformité à la soumission.
Production immédiate ou différée ?
Par ailleurs, les règles concernant la détention d’une autorisation de contracter ont fait l’objet de modifications récemment, à la suite de l’adoption et de l’entrée en vigueur partielle du projet de loi 12 (Loi visant principalement à promouvoir l’achat québécois et responsable par les organismes publics, à renforcer le régime d’intégrité des entreprises et à accroître les pouvoirs de l’Autorité des marchés publics).
En effet, avant l’adoption du projet de loi 12, il était prévu à la LCOP que :
« […] l’entreprise qui répond à un appel d’offres en vue de la réalisation d’un contrat public ou d’un sous-contrat public doit être autorisée à la date du dépôt de sa soumission sauf si l’appel d’offres prévoit une date différente mais antérieure à la date de la conclusion du contrat […] »
Un organisme devant exiger la production de l’autorisation de contracter (en raison du montant estimé de la dépense pour son appel d’offres) avait donc 2 possibilités. D’une part, il pouvait en exiger la production « immédiate », c’est-à-dire au dépôt de la soumission. D’autre part, il pouvait en exiger la production « différée », c’est-à-dire dans un certain délai après l’ouverture des soumissions (devant cependant précéder la date de conclusion du contrat). Le délai de traitement d’une demande d’autorisation de contracter pouvant atteindre plusieurs mois, cette stratégie de « production différée » donnait donc aux soumissionnaires un délai additionnel pour obtenir leur autorisation de contracter. Cette pratique était légale, mais seulement dans le respect de certaines conditions, rappelées par l’AMP dans une décision rendue en février 2021.
Cependant, la LCOP prévoit maintenant que :
« […] une entreprise qui répond à un appel d’offres en vue de la réalisation d’un contrat public ou d’un sous-contrat public doit être autorisée à la date du dépôt de sa soumission […] »
Autrement dit, il n’est maintenant plus possible pour un organisme de prévoir une production « différée » de l’autorisation de contracter : lorsque requise, celle-ci doit obligatoirement être produite au dépôt de la soumission.
[1] MPECO inc. c. Ville de Sainte-Agathe-des-Monts, 2022 QCCA 916.
[2] MPECO inc. c. Ville de Sainte-Agathe-des-Monts, 2021 QCCS 41.
[3] Présentement, il est fixé à 1 000 000 $ pour les contrats de services et à 5 000 000 $ pour les contrats de travaux de construction. La Ville de Montréal est par ailleurs assujettie à certaines règles particulières.