Nouveau formulaire de « déclaration d’intégrité » : à quoi s’attendre?
La loi 12 (Loi visant principalement à promouvoir l’achat québécois et responsable par les organismes publics, à renforcer le régime d’intégrité des entreprises et à accroître les pouvoirs de l’Autorité des marchés publics) a apporté des modifications importantes à la Loi sur les contrats des organismes publics (LCOP). Dans un billet précédent, nous avons abordé certains effets de la loi 12 sur le régime d’autorisation de contracter de la LCOP.
Dans le présent billet, nous abordons un autre effet important de la loi 12 : l’introduction d’un nouveau formulaire de « déclaration d’intégrité » :
« 21.2. Toute entreprise intéressée à conclure un contrat public doit, au moyen d’une déclaration écrite, reconnaître avoir pris connaissance des exigences d’intégrité et s’engager à prendre toutes les mesures nécessaires pour y satisfaire pendant toute la durée du contrat.
La déclaration d’intégrité est faite selon la formule déterminée par règlement du gouvernement et au moment du dépôt d’une soumission ou, dans le cas d’un contrat conclu de gré à gré, au moment de sa conclusion. »
D’emblée, il est important de souligner que cette modification n’est pas encore en vigueur. Il est en effet prévu que le contenu du formulaire de déclaration d’intégrité sera fixé par un règlement du gouvernement du Québec. Au moment de la rédaction du présent billet, aucun projet de règlement n’a été publié à la Gazette officielle du Québec. Dans cette optique, à quoi peut-on s’attendre ? Nous vous proposons certaines réflexions et pistes de réponse dans le présent billet.
D’abord, pour les organismes publics assujettis à la LCOP, on peut s’attendre à ce que le nouveau formulaire de déclaration d’intégrité remplace le formulaire actuel « d’attestation de probité » qui est joint aux documents d’appel d’offres à la demande du Secrétariat du Conseil du trésor (SCT). Il sera intéressant de voir si la remise par le soumissionnaire de la déclaration d’intégrité sera associée à une condition d’admissibilité, comme c’est le cas présentement pour l’attestation de probité dans les gabarits de documents d’appel d’offres du SCT. Nous aurons sûrement la réponse à cette question dans le projet de règlement.
Il est cependant plus difficile de prévoir l’effet de l’introduction du formulaire de déclaration d’intégrité sur les processus contractuels des organismes municipaux.
D’une part, ceux-ci n’utilisent pas le formulaire d’attestation de probité du SCT. En effet, pour la quasi-totalité d’entre eux, leur règlement sur la gestion contractuelle contient déjà un formulaire similaire (souvent nommé « Déclaration du soumissionnaire »), qui doit être rempli et signé par tout soumissionnaire pour attester qu’il n’a posé aucun geste ayant pour effet de porter atteinte à l’intégrité du processus d’appel d’offres. Dans cette optique, est-ce que le nouveau formulaire de déclaration d’intégrité va s’ajouter au formulaire exigé par le règlement sur la gestion contractuelle, au risque de faire double emploi ?
D’autre part, les lois municipales font uniquement référence à la « conformité » (au sens large), contrairement à la LCOP et à ses règlements, qui font référence de manière distincte à l’admissibilité du soumissionnaire et à la conformité de sa soumission. Dans cette optique, comment sera qualifiée, pour les organismes municipaux, l’exigence que le soumissionnaire remette la déclaration d’intégrité au moment du dépôt de sa soumission ?
Pour conclure, notons qu’une autre question se pose à la lecture conjointe de l’article 21.1 de la LCOP, reproduit ci-dessous, et de l’article 21.2 de la LCOP, précité.
« 21.1. Toute entreprise partie à un contrat public ou à un sous-contrat public doit satisfaire aux exigences élevées d’intégrité auxquelles le public est en droit de s’attendre d’une partie à un tel contrat ou à un tel sous-contrat, ci-après désignées «exigences d’intégrité». Dans les cas visés à la section III, elle en fait la démonstration préalablement à la conclusion d’un tel contrat ou d’un tel sous-contrat en obtenant l’autorisation de contracter qui y est prévue.
Est présumée ne pas satisfaire aux exigences d’intégrité l’entreprise qui, en application de la section II, est inadmissible aux contrats publics. »
Il est indiqué que, « dans les cas visés à la section III » (qui correspond aux articles 21.17 et suivants de la LCOP concernant le régime d’autorisation de contracter), une entreprise devra démontrer qu’elle satisfait aux exigences d’intégrité en obtenant une autorisation de contracter. Or, en vertu de la LCOP et de différents décrets gouvernementaux, l’obtention de l’autorisation de contracter est obligatoire seulement pour les contrats de services d’une valeur égale ou supérieure à 1 000 000 $ et les contrats de travaux de construction d’une valeur égale ou supérieure à 5 000 000 $[1]. Faut-il comprendre de la lecture conjointe des articles 21.1 et 21.2 de la LCOP que la remise du formulaire de déclaration d’intégrité sera exigée seulement pour les contrats qui ne sont pas visés par l’obligation de détenir une autorisation de contracter ? Autrement dit, la remise du formulaire sera exigée pour les contrats de services d’une valeur inférieure à 1 000 000 $, les contrats de travaux de construction d’une valeur inférieure à 5 000 000 $ et tous les contrats d’approvisionnement indépendamment de leur valeur ? Un bulletin du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) publié en 2022 semble indiquer qu’il s’agit de son interprétation : « Le nouveau régime d’intégrité des entreprises introduit par ce projet de loi oblige toute entreprise intéressée à conclure un contrat public se situant en bas des seuils où l’autorisation de contracter de l’AMP est requise à produire une déclaration d’intégrité. ».
Notre équipe ne manquera pas de vous tenir informés de l’évolution de la situation.
[1] La Ville de Montréal est par ailleurs assujettie à certaines règles particulières.