Autorisation de contracter : le seuil prévu par décret, et rien d’autre!
Toute entreprise souhaitant conclure un contrat avec un organisme public ou municipal dont la dépense est égale ou supérieure au montant déterminé par le gouvernement (lequel varie selon la nature du contrat) doit absolument détenir une autorisation de contracter de l’Autorité des marchés publics (ci-après l’ « AMP »). Rappelons qu’en obtenant l’autorisation de contracter de l’AMP, une entreprise démontre qu’elle satisfait aux exigences élevées d’intégrité auxquelles le public est en droit de s’attendre.
De manière générale, les organismes publics et municipaux bénéficient d’une certaine latitude en matière de gestion contractuelle pour déterminer les conditions d’admissibilité et de conformité à intégrer aux documents d’appel d’offres. Toutefois, tout ne leur est pas permis et, en ce qui concerne spécifiquement l’autorisation de contracter, ces derniers doivent se conformer au cadre rigoureux établi par la Loi sur les contrats des organismes publics (ci-après, la « LCOP »).
En mars dernier, la Cour supérieure a rendu un jugement à ce sujet.
Les faits à l’origine de ce litige sont les suivants. En janvier 2019, la Ville de Lorraine (ci-après, la « Ville ») lance un appel d’offres en vue de la réalisation de travaux de stabilisation et d’enrochement d’un ruisseau. Dans les documents d’appel d’offres, il est indiqué que tout soumissionnaire « doit être autorisé à contracter par l’Autorité des Marchés Financiers au plus tard à la date du dépôt de sa soumission ».
Suivant l’ouverture des soumissions, la Ville octroie le contrat au plus bas soumissionnaire, 9267-7368 Québec inc., et ce, bien que celui-ci ne détient pas d’autorisation de contracter. Il est à noter que le montant de sa soumission est inférieur au seuil de 5 000 000 $. Le deuxième plus bas soumissionnaire, L.A. Hébert Ltée, prétend cependant que le contrat aurait dû lui être accordé puisque 9267-7368 Québec inc. ne remplit pas cette condition essentielle de l’appel d’offres.
Dans son jugement, la Cour supérieure a tout d’abord mentionné que « […] prise isolément, cette clause ne souffre pas d’ambiguïté. Elle précise que le soumissionnaire doit être autorisé à contracter par l’Autorité des Marchés financiers sans faire référence au seuil minimal au-delà duquel une telle autorisation serait requise en vertu du décret 796-2014 alors applicable (le « Décret ») qui fixe à 5 000 000 $ ce seuil minimal. Un lecteur raisonnable du Cahier des charges est ainsi justifié de croire, du moins à première vue, que cette autorisation est requise sans égard au montant de dépense pour lequel le contrat sera éventuellement octroyé. Il semble s’agir d’une condition de qualification qui trouve application peu importe la valeur du contrat […] ».
Cependant, elle a ensuite rappelé que « l’intention commune des parties au contrat A conclu entre la Ville et les soumissionnaires doit nécessairement tenir compte de l’ensemble du contexte tant contractuel que législatif […] ».
Elle a donc finalement donné raison à la Ville en concluant que « cette clause doit nécessairement être lue à la lumière des autres dispositions du Cahier des charges ainsi qu’à la lumière des dispositions de la LCOP et du Décret applicables au moment de l’initiation de cet appel d’offres ». Dans son analyse, elle a notamment rejeté l’argument de L.A. Hébert Ltée que, suivant les principes fondamentaux de la liberté contractuelle, la Ville pouvait exiger l’autorisation de l’AMP pour une soumission d’un montant inférieur à ce seuil de 5 000 000 $. Ainsi, en l’occurrence, l’exigence de l’autorisation de contracter de l’AMP ne saurait s’appliquer à la soumission retenue par la Ville, celle-ci étant d’un montant inférieur au seuil de 5 000 000 $.
En somme, cette décision confirme que, par rapport à l’exigence de l’autorisation de contracter, un organisme public ou municipal ne peut imposer des conditions plus strictes que le régime prévu à la LCOP. Soulignons cependant que l’article 21.17.1 de la LCOP, auquel la Cour fait d’ailleurs référence dans son jugement, prévoit spécifiquement que le gouvernement (et non pas l’organisme lui-même !) peut, aux conditions qu’il fixe, déterminer qu’une autorisation est requise à l’égard des contrats publics ou sous-contrats publics, même s’ils comportent un montant de dépense inférieur au seuil applicable.
Nouveautés concernant l’autorisation de contracter
Par ailleurs, nous portons à votre attention certains changements récents concernant le régime applicable en matière d’autorisation de contracter, qui découlent de la Loi 12 (Loi visant principalement à promouvoir l’achat québécois et responsable par les organismes publics, à renforcer le régime d’intégrité des entreprises et à accroître les pouvoirs de l’Autorité des marchés publics).
Depuis le 2 juin 2023, la durée d’une autorisation de contracter est automatiquement passée de trois (3) à cinq (5) ans. Ainsi, tous les détenteurs d’une autorisation de contracter valide à ce moment bénéficient de cet ajustement.
Également depuis le 2 juin 2023, l’entreprise qui détient une autorisation de contracter a l’obligation d’effectuer une mise à jour annuelle de l’information et des renseignements transmis à l’AMP, au plus tard à la date d’anniversaire de la délivrance de son autorisation. Malgré l’ajout de cette nouvelle exigence par l’AMP, l’entreprise demeure assujettie à la mise à jour en continu de son dossier suivant toute modification aux renseignements fournis lors de sa demande d’autorisation.
Nous vous invitons à consulter le site internet de l’AMP à ce sujet.