Le projet « One Clause » : pour l’harmonisation des clauses de réversibilité et de portabilité des données dans les contrats en matière de technologies de l’information

Projet One clause

Le 30 mai 2023, en France, 21 legaltechs et directions juridiques se sont rassemblées dans le cadre du projet « One Clause », une initiative de l’entreprise Calame en partenariat avec plusieurs organismes dont l’Association Française des Juristes d’Entreprise (AFJE). L’objectif : travailler en collaboration afin d’harmoniser les pratiques contractuelles entre les entreprises et les startups du droit. La réunion de lancement de ce projet portait plus spécifiquement sur la standardisation d’une clause de réversibilité et de portabilité des données dans les contrats des legaltechs françaises.

Ce type de clause régit les modalités de restitution des données du client (usager du logiciel ou du système informatique) à la fin de la relation contractuelle, ainsi que la faculté de reprendre l’exploitation de ces données à l’interne ou de les transférer à un nouveau prestataire de services ou fournisseur. Selon Émilie Calame, CEO de Calame, il s’agit d’un élément stratégique non seulement pour les organisations juridiques, mais également pour les entreprises[1]. D’une part, le client qui perd accès à ses données à la fin du contrat risque de ne plus pouvoir poursuivre ses activités et sera dépendant au prestataire en place, alors que d’autre part, ce dernier doit connaître ses obligations afin d’être en mesure de prévoir les ressources nécessaires et les coûts associés à la transition, le cas échéant. Il y aurait donc avantage à trouver un consensus technique et juridique entre les différents acteurs des contrats en matière de technologies de l’information.

En pratique, les directions juridiques qui souhaitent changer de prestataire de services ou de fournisseur rencontrent de nombreux enjeux reliés à la gestion des données. « Chaque éditeur de logiciel disposant de ses spécificités commerciales, juridiques et d’une architecture IT différente, les pratiques contractuelles et technologiques sont naturellement très hétérogènes » explique Émilie Calame[2].

Selon l’échéancier du projet, la publication et la mise à disposition de la clause devraient avoir lieu d’ici la fin de l’année. Par la suite, si tout va bien, l’objectif serait d’étendre cette initiative à d’autres clauses se retrouvant habituellement dans les contrats en matière de technologies de l’information, notamment la clause de responsabilité[3]. Certains acteurs présents à la réunion de lancement ont toutefois fait part de leurs craintes. Entre autres, il y aurait lieu de se questionner à savoir s’il n’est pas trop risqué de rédiger une clause contenant certains principes généraux et de laisser une trop grande marge de manœuvre en annexe[4].

Quel est l’intérêt de cette nouvelle en ce qui concerne les marchés publics québécois ?

D’emblée, rappelons que l’enjeu que le projet « One Clause » vise à régler se produit souvent au Québec dans le cadre d’appels d’offres en matière de technologies de l’information (logiciel, solution infonuagique, services informatiques, etc.) puisque les soumissionnaires disposent tous de conditions contractuelles différentes et qu’il est donc difficile pour l’organisme public ou municipal de comparer les offres sur un pied d’égalité. Pour ces raisons, nous sommes d’avis que le projet One Clause est très pertinent et il ne fait aucun doute que cela pourrait être intéressant au Québec également, considérant que nous rencontrons exactement le même enjeu.

À ce sujet, rappelons également que la Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels (la « Loi 64 », également désignée comme étant la « Loi 25 ») souligne l’importance de la portabilité des données à caractère personnel pour les particuliers[5]. Cette loi introduira dès septembre 2024 un nouveau droit permettant à toute personne d’obtenir, dans un format technologique structuré et couramment utilisé, un renseignement personnel informatisé qu’elle a fourni ou de demander que celui-ci soit transmis à une autre personne ou à un organisme dans ce même format. Le troisième alinéa de l’article 63.5 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ajoute qu’un organisme public doit s’assurer que tout projet d’acquisition, de développement et de refonte de système d’information ou de prestation électronique de services impliquant des renseignements personnels permet la mise en œuvre de ce nouveau droit. C’est donc dire que l’ajout d’une clause de réversibilité et de portabilité des données dans les documents d’appel d’offres en matière de technologies de l’information pourrait être indispensable dans certains cas.

 

[1] Calame – The Legal Ops Company, « Projet One Clause : Harmoniser et standardiser certaines clauses types dans les contrats TI entre Legaltech et Directions Juridiques », en ligne : <https://www.calame.fr/article/communique-de-presse>.

[2] Id.

[3] Leslie Brassac, « « One Clause » : un projet sur la réversibilité des données qui réunit les directions juridiques et les legal tech », actuEL Direction Juridique, 1er juin 2023, en ligne : <https://www.actuel-direction-juridique.fr/content/one-clause-un-projet-sur-la-reversibilite-des-donnees-qui-reunit-les-directions-juridiques>.

[4] Id.

[5] Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, RLRQ, C. A-2.1, art. 84, al. 3.