Développement durable en matière de contrats municipaux : des modifications prévues au projet de loi 79 (Loi sur les contrats des organismes municipaux)

Développement durable

Le 7 novembre 2024, le gouvernement du Québec a déposé à l’Assemblée Nationale le projet de loi 79 (Loi édictant la Loi sur les contrats des organismes municipaux et modifiant diverses dispositions principalement aux fins d’allègement du fardeau administratif des organismes municipaux). Le présent billet est le premier d’une série de plusieurs billets au sujet de ce projet de loi et de l’introduction de la Loi sur les contrats des organismes municipaux (LCOM), laquelle entraînerait une refonte majeure des règles encadrant les contrats municipaux. Il a pour sujet certaines des modifications prévues au projet de loi relativement au développement durable en matière de contrats municipaux.

Introduction de la marge préférentielle

C’est le changement le plus important relativement au développement durable en matière de contrats municipaux : la LCOM introduit la possibilité de prévoir aux documents d’appel d’offres « que sera accordé un avantage sous la forme d’une marge préférentielle n’excédant pas 10 % du prix proposé ». Un organisme municipal pourrait ainsi inclure une spécification liée au développement durable et à l’environnement aux documents d’appel d’offres et indiquer que tout soumissionnaire qui démontre qu’il respecte celle-ci voit sa soumission bénéficier d’une marge préférentielle de 10 %. Concrètement, le prix soumis par un tel soumissionnaire sera donc, aux seules fins de déterminer l’adjudicataire, réduit de 10 %, et ce, sans affecter son prix soumis aux fins de l’adjudication du contrat.

Cette modification sera certainement appréciée par les organismes municipaux. Plusieurs prévoient déjà dans leur règlement sur la gestion contractuelle la possibilité d’utiliser le mécanisme de marge préférentielle dans le cadre d’un processus d’attribution de contrat dans le but de favoriser le développement durable. Il faut toutefois rappeler que le règlement sur la gestion contractuelle permet de prévoir des règles d’attribution de contrats spécifiques à l’organisme municipal seulement en ce qui concerne les contrats qui comportent une dépense d’au moins 25 000 $, mais inférieure au seuil d’appel d’offres public. L’organisme ne peut donc pas, malgré son règlement sur la gestion contractuelle, utiliser le mécanisme de marge préférentielle dans le cadre d’un appel d’offres public. C’est justement ce que la LCOM va permettre.

Règlement sur la gestion contractuelle et politique d’acquisition responsable

La LCOM ajoute un élément au contenu obligatoire du règlement sur la gestion contractuelle, en prévoyant qu’un organisme municipal doit prévoir dans son règlement « des mesures […] favorisant l’acquisition responsable tenant compte des principes prévus à l’article 6 de la Loi sur le développement durable ». Pour cette raison, la LCOM ne reprend pas la disposition présentement codifiée dans les lois municipales à l’effet que l’organisme « peut adopter une politique d’acquisition responsable qui tient compte des principes prévus à l’article 6 de la Loi sur le développement durable ». Le mémoire au conseil des ministres pour ce projet de loi souligne que ce changement « rendrait obligatoire la mise en place, par les organismes municipaux, de mesures favorisant l’acquisition responsable, plutôt que de les laisser à la discrétion de ces derniers par le biais d’une politique d’acquisition responsable ». Par ailleurs, le choix par le législateur de l’expression « des mesures […] favorisant l’acquisition responsable tenant compte des principes prévus à l’article 6 de la Loi sur le développement durable » a été critiqué dans le cadre des travaux en commission parlementaire. Par exemple, dans son mémoire, le Chantier de l’économie sociale a mentionné que les expressions « favoriser » et « tenir compte » sont nettement insuffisantes et a recommandé de reformuler comme suit : « des mesures […] priorisant l’acquisition responsable assurant le respect des principes prévus à l’article 6 de la Loi sur le développement durable ».

Évaluation des besoins

La LCOM prévoit qu’un organisme municipal doit, avant d’entreprendre une procédure d’attribution pour un contrat, procéder à une évaluation sérieuse de ses besoins, laquelle « peut notamment s’inscrire dans la recherche d’un développement durable au sens de la Loi sur le développement durable ». Le choix du terme « peut » indique ici une possibilité et non pas une obligation.

Il est étonnant que le gouvernement ait choisi une approche différente de celle de la Loi sur les contrats des organismes publics (LCOP), laquelle vise les organismes publics, tels que les ministères et les organismes des réseaux de la santé et de l’éducation. La LCOP va en effet plus loin, car elle prévoit une obligation et non pas une possibilité :

2. Dans le respect de tout accord intergouvernemental applicable aux organismes publics, les conditions déterminées par la présente loi visent à promouvoir:

[…]

4°  la mise en place de procédures efficaces et efficientes, comportant notamment une évaluation préalable des besoins adéquate et rigoureuse qui s’inscrive dans la recherche d’un développement durable au sens de la Loi sur le développement durable (chapitre D-8.1.1);

[…]

14.6. Préalablement au processus d’adjudication ou d’attribution d’un contrat, un organisme public doit procéder à une évaluation des besoins qui s’inscrit dans la recherche d’un développement durable.

[…]

Il faut également souligner que la disposition ci-dessous de la LCOP n’apparaît pas dans la LCOM :

14.7. Dans un souci d’amélioration constante, un organisme public doit privilégier l’inclusion, dans les documents d’appel d’offres ou le contrat, selon le cas, d’au moins une condition relative au caractère responsable de l’acquisition, sur le plan environnemental, social ou économique.

[…]

Pour conclure, rappelons que ce projet de loi est présentement étudié en commission parlementaire et va donc certainement faire l’objet de modifications avant son adoption. Notre équipe ne manquera pas de vous tenir informés de l’évolution de la situation.