L’évaluation de la qualité suivie d’une négociation du prix du contrat : un nouveau mode d’adjudication pour les contrats de services professionnels en architecture et en ingénierie

négociation

Depuis le 5 juillet 2025, les organismes publics assujettis à la Loi sur les contrats des organismes publics peuvent utiliser un nouveau mode d’adjudication appelé « évaluation fondée sur la mesure du niveau de la qualité des soumissions suivie d’une négociation du prix du contrat » dans le cadre d’un appel d’offres visant un contrat de services d’architecture ou d’ingénierie liés à des travaux de construction. L’introduction de ce mode d’adjudication coïncide logiquement avec l’abrogation du Tarif d’honoraires pour services professionnels fournis au gouvernement par des architectes et du Tarif d’honoraires pour services professionnels fournis au gouvernement par des ingénieurs.

Le fonctionnement de ce mode d’adjudication est décrit en détail aux articles 40.1 et 40.2 du Règlement sur certains contrats de services des organismes publics (RCS), mais peut être résumé de la manière suivante :

        • l’organisme demande uniquement une démonstration de la qualité, en fonction de critères d’évaluation de la qualité indiqués aux documents d’appel d’offres; les soumissions déposées ne contiennent donc aucun bordereau de prix;
        • l’ouverture des soumissions n’est pas publique;
        • l’organisme procède à l’évaluation de la qualité des soumissions selon les conditions prévues aux articles 1 à 7 de l’annexe 2 du RCS. Après l’évaluation de la qualité des soumissions, l’organisme classe les soumissionnaires dont la soumission est acceptable à l’égard de la qualité (c’est-à-dire dont la note finale est d’au moins 70 points) selon un rang établi à partir de la note finale obtenue : celui ayant obtenu la note finale la plus élevée étant au premier rang, celui ayant obtenu la deuxième note finale la plus élevée étant au deuxième rang, et ainsi de suite;
        • l’organisme entame une négociation du prix du contrat avec le soumissionnaire au premier rang, soit celui dont la soumission acceptable a obtenu la note finale la plus élevée; la période de négociation pour parvenir à une entente écrite est de 90 jours;
        • à l’échéance de la période de 90 jours, ou si les parties mettent fin à la négociation avant, l’organisme entame une négociation du prix du contrat avec le soumissionnaire au rang suivant. Il procède ainsi jusqu’à ce qu’il y ait entente ou qu’il n’y ait plus de soumissionnaires dont les soumissions sont acceptables. Le contrat est adjugé au soumissionnaire avec lequel l’organisme conclut une entente écrite.

    Notons que le RCS ne prévoit pas de « paramètres financiers » encadrant la négociation du prix du contrat. Les guides publiés par le Secrétariat du Conseil du trésor au sujet de ce nouveau mode d’adjudication indiquent cependant que l’établissement des honoraires peut être fait selon la méthode horaire, la méthode forfaitaire, la méthode à pourcentage ou une combinaison de ces méthodes (soit les mêmes possibilités que celles qui étaient prévues dans les tarifs d’honoraires, maintenant abrogés).

    En pratique, un organisme qui utilise ce mode d’adjudication doit donc décrire les services recherchés aux documents d’appel d’offres et :

          • indiquer aux documents d’appel d’offres que le prix de chacun des services sera établi selon une ou plusieurs des méthodes ci-haut, conformément à une entente financière à être négociée. En procédant de cette manière, l’organisme conserve une liberté complète dans le cadre de la négociation à venir;

    ou

          • décider d’emblée de la méthode de rémunération de certains (ou de la totalité) des services et indiquer celle-ci aux documents d’appel d’offres. L’organisme pourrait, par exemple, indiquer aux documents d’appel d’offres que, pour les services liés à la phase des plans et devis préliminaires, la rémunération sera à forfait et que le montant forfaitaire sera déterminé dans le cadre de la négociation. En procédant de cette manière, l’organisme restreint sa liberté dans le cadre de la négociation à venir. C’est un « pensez-y-bien » considérant que, si l’organisme fait connaître ses intentions d’emblée, il est selon nous lié par sa décision et ne peut pas changer d’orientation au moment de la négociation, selon le principe à l’effet qu’il est interdit de modifier les documents d’appel d’offres après l’ouverture des soumissions.

    Pour conclure, notons qu’une question pratique se pose par rapport à la négociation du prix dans le contexte d’un appel d’offres visant un contrat à exécution sur demande. En effet, un contrat à exécution sur demande, par définition, vise la situation où « des besoins sont récurrents et que le nombre de demandes, le rythme ou la fréquence de leur exécution sont incertains ». Les mandats à être confiés successivement à l’adjudicataire n’étant pas connus d’avance et entièrement définis, les parties ne peuvent forcément pas, au moment de la négociation, décider du prix applicable pour chacun des mandats. Selon nous, la seule manière de concilier, d’une part, l’exigence du RCS de conclure une entente concernant le prix avant d’adjuger le contrat et d’autre part, l’esprit d’un contrat à exécution sur demande, est de prévoir aux documents d’appel d’offres que, pendant la négociation, les parties vont établir une « entente financière cadre » qui va indiquer comment le prix sera établi pour chaque mandat. Par exemple, les parties pourraient prévoir dans l’entente cadre que, de manière générale, la méthode forfaitaire sera privilégiée, mais que certains mandats pourraient être rémunérés selon la méthode horaire et ce, aux taux prévus à l’entente cadre.