Augmentation du prix du carburant et des matériaux de construction : prévoir un mécanisme d’ajustement de prix dans votre appel d’offres ?
Au Québec, la forte augmentation des prix du carburant et des matériaux de construction est un casse-tête pour les organismes publics et municipaux. Pour de nombreux projets, il faut revoir à la hausse l’estimation des coûts.
Dans cette optique, de nombreux organismes se questionnent par rapport à la possibilité de prévoir dans leurs prochains appels d’offres une clause d’ajustement du prix du contrat en fonction de la variation des prix du carburant et/ou des matériaux de construction. Nous abordons cette question dans le présent billet. Dans un deuxième billet, nous aborderons la question de la rédaction de la clause d’ajustement du prix du contrat.
- Prévoir un mécanisme d’ajustement de prix ?
Dans le contexte actuel de forte inflation, un organisme peut, dans un souci de partage des risques, inclure aux documents d’appel d’offres une clause d’ajustement de prix. Il ne devrait cependant pas prévoir cette clause systématiquement. En effet, la bonne pratique est de considérer l’objet du contrat et la nature de la prestation à réaliser pour décider s’il est opportun d’inclure cette clause pour ce projet précis.
En théorie, cette décision est entièrement à la discrétion de l’organisme. En pratique, dans le contexte actuel de forte inflation, des soumissionnaires pourraient refuser de participer à l’appel d’offres en l’absence d’une telle clause. Pour certains projets, en raison de l’objet du contrat, l’organisme pourrait être « forcé » d’intégrer cette clause s’il veut inciter les soumissionnaires à participer à l’appel d’offres et créer une mise en concurrence.
Par ailleurs, le secteur privé a interpellé le gouvernement et les organismes plusieurs fois à ce sujet. Par exemple, l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec a écrit au MAMH en mars 2022 pour réclamer son intervention dans ce dossier. Vous pouvez aussi consulter notre billet précédent au sujet de la position de l’ACQ dans ce dossier.
- Le soumissionnaire peut-il l’ajouter lui-même ?
En cours d’appel d’offres, un soumissionnaire qui constate l’absence d’une clause d’ajustement de prix peut tout à fait en faire la demande à l’organisme, par le mécanisme de questions et réponses. Cependant, le soumissionnaire ne devrait en aucun cas prendre l’initiative d’inclure une telle clause dans sa soumission ou d’indiquer dans sa soumission qu’il va réclamer à l’organisme un ajustement de prix en cours de contrat.
En effet, dans le cadre d’un appel d’offres, un organisme est assujetti à un strict cadre normatif et au respect du principe de l’égalité des soumissionnaires. Concrètement, il ne peut pas agir de manière à avantager un soumissionnaire au détriment d’un autre, ce qui serait bien sûr le cas s’il accepte qu’un soumissionnaire réduise ses risques économiques en prévoyant une clause d’ajustement de prix. Pour les organismes publics assujettis à la LCOP, il s’agit d’un cas de rejet automatique en vertu de la réglementation : « […] les conditions de conformité doivent indiquer les cas qui entraînent le rejet automatique d’une soumission […] une soumission conditionnelle ou restrictive ». Les lois municipales n’ont pas d’équivalent, mais nous pensons que le raisonnement est le même vis-à-vis l’effet sur l’égalité entre les soumissionnaires.
- Durée de validité de la soumission et maintien des prix
On constate présentement une confusion chez certains soumissionnaires par rapport à la notion de « durée de validité » de la soumission. Par exemple, si vos documents d’appel d’offres prévoient une durée de validité des soumissions de 60 jours, un soumissionnaire pourrait vous demander d’émettre un addenda pour la réduire à 30 jours, au motif qu’il ne peut pas garantir ses prix pour plus de 30 jours en raison de la grande fluctuation des prix.
À ce sujet, il est utile de rappeler que la durée de validité des soumissions correspond au délai dans lequel l’organisme doit adjuger le contrat ; elle est fixée en fonction de plusieurs facteurs, notamment la complexité anticipée de l’analyse des soumissions ou la nécessité pour l’organisme de compléter certaines formalités avant l’adjudication du contrat.
Le prix soumissionné, lui, doit ensuite être maintenu par l’adjudicataire pendant la durée complète du contrat, sauf si les documents prévoient un mécanisme d’ajustement de prix.
Dans les faits, il s’agit donc de notions différentes et indépendantes.