Vers une décarbonisation du réseau de la santé

décarbonisation

Le secteur de la santé représente à lui seul 3,6 % des émissions de gaz à effet de serre (ci-après « GES ») de la province, soit 2,7 millions de tonnes de GES provenant des bâtiments, des transports et des émissions indirectes[1][2]. Parmi les bâtiments de l’État, les « bâtiments du secteur de la santé sont actuellement responsables de plus de la moitié des émissions de GES des bâtiments de l’État alors qu’ils représentent seulement le quart de la superficie. À cela s’ajoutent les émissions des véhicules du réseau de la santé ainsi que les émissions indirectes »[3]. Ainsi, le gouvernement du Québec souhaite que les bâtiments et le parc de véhicules de l’État soient zéro émission d’ici 2040[4][5].

L’Association pour la Santé Publique du Québec a donc mandaté la firme Dunsky Énergie + Climat (ci-après « Dunsky ») en mai 2023 afin de réaliser une étude qui pourrait répondre à la question suivante : comment le secteur de la santé pourrait-il atteindre zéro émission d’ici 2040[6]?

À la fin de ce rapport, la firme Dunsky a formulé plusieurs recommandations liées à la gouvernance, aux bâtiments, au transport et aux émissions indirectes. Parmi celles-ci, plusieurs ont retenu notre attention, dont l’assujettissement du ministère de la Santé et des Services sociaux (ci-après « MSSS ») à la Loi sur le développement durable[7] ainsi que l’inclusion de la décarbonation des bâtiments et des véhicules dans le mandat du MSSS. En lien avec les marchés publics, la firme Dunsky recommande que tous les achats d’ambulances soient électriques à partir de 2034. Enfin, parmi les moyens financiers énumérés, la firme Dunsky recommande la mise en place de leviers financiers, dont des contrats de performance énergétique.

Un contrat de performance énergétique peut être très utile dans la lutte contre les GES. En effet, il s’agit d’« un mécanisme de financement fondé sur la performance qui permet à une organisation cliente de tirer parti des capacités techniques et financières d’une [entreprise de services énergétiques] pour créer et obtenir un financement dans le but d’améliorer les pratiques de gestion de l’énergie ou de réaliser un projet de modernisation dans un bâtiment ou un groupe de bâtiments  »[8]. Le rapport Dunsky fait justement mention d’une étude de cas d’un hôpital à haute performance énergétique[9]. Il s’agit de l’hôpital Humber River situé au nord-ouest de Toronto. Cet hôpital construit en 2015 et faisant plus de 170 000 m2 consomme 1,3 GJ/m2, ce qui correspond à près de 40% moins d’énergie que la moyenne des hôpitaux au Québec. C’est en se concentrant notamment sur l’efficacité du chauffage et de la ventilation au cours de l’année ainsi que la récupération de la chaleur durant l’hiver que l’hôpital a pu réduire sa consommation énergétique. Le coût annuel d’énergie de l’hôpital est également « 17 % inférieur à celui d’un hôpital cible du [Greening Health Care], ce qui permettrait d’économiser près de 100 millions de dollars sur une période de 30 ans »[10]. L’étude de cas de l’hôpital Humber River n’est qu’un exemple de l’impact que peuvent avoir les choix effectués lors du processus de passation et de gestion de contrat.

Enfin, sur une note plus générale, il est intéressant de souligner que la Loi édictant la Loi sur la performance environnementale des bâtiments et modifiant diverses dispositions en matière de transition énergétique[11]est entrée en vigueur le 27 mars dernier. Par l’adoption de cette loi, le gouvernement du Québec vise notamment à réduire, d’ici 2030, 60% des émissions liées au chauffage du parc immobilier gouvernemental par rapport à leur niveau de 1990[12]. Cette loi « permettra également d’établir des normes en matière de travaux de construction, pour tous les types de bâtiments, et ce, tout au long de leur cycle de vie, c’est-à-dire de la construction à la déconstruction/démolition »[13]. Finalement, en vertu de l’article 4 de cette loi, les organismes publics auront des déclarations obligatoires à faire au ministre en lien avec la consommation énergétique d’un bâtiment, le type d’énergie consommée, les matériaux utilisés lors des travaux de construction, etc.

Ainsi, nous remarquons par toutes ces initiatives du gouvernement un réel désir de réduire les émissions des GES dans le secteur public, en passant notamment par des modifications des pratiques des marchés publics. 


[1] Rapport Dunsky Énergie+Climat, Association pour la Santé Publique du Québec, 18 décembre 2023, en ligne : https://aspq.org/une-nouvelle-feuille-de-route-au-service-de-la-decarbonation-du-systeme-de-sante-quebecois/ (consulté le 4 avril 2024).

[2] Les émissions indirectes incluent entre autres les émissions associées aux déchets, aux produits utilisés (médicaux et non médicaux), à la chaîne d’approvisionnement, à la nourriture ainsi qu’aux déplacements des patients et des employés.

[3] Préc., note 1.

[4]MELFFCP. Communiqué de presse du 7 novembre 2021: Conférence de Glasgow sur le climat, en ligne :  https://www.environnement.gouv.qc.ca/infuseur/communique.asp?no=4679 (consulté le 4 avril 2024.

[5] Gouvernement du Québec, Électrification des transports, en ligne : https://www.quebec.ca/gouvernement/politiques-orientations/electrification-des-transports (consulté le 4 avril 2024). 

[6] Préc., note 1.

[7] RLRQ, c. D-8.1.1.

[8] Gouvernement du Canada, Contrats de performance énergétique, en ligne : https://ressources-naturelles.canada.ca/efficacite-energetique/batiments/services-gouvernement-vert-rncan/aide-installations-federales/planification-et-mise-en-oeuvre-des-projets/liste-soumissionnaires-qualifies/20748 (consultée le 4 avril 2024).

[9] A case study in world-class energy efficiency, Humber River Hospital Toronto – Climate Challenge

Network, Greening Healthcare, 2021.

[10] Préc., note 1.

[11] RLRQ, 2024, c. 5.

[12] Coalition Avenir Québec, Québec va de l’avant avec sa réforme pour décarboner le secteur des bâtiments 2030, 26 mars 2024, en ligne : https://coalitionavenirquebec.org/fr/blog/2024/03/26/quebec-va-de-lavant-avec-sa-reforme-pour-decarboner-le-secteur-des-batiments-dici-2030/ (consulté le 5 avril 2024).

[13] Ibid.