Allègement administratif en matière de contrats municipaux : des modifications prévues au projet de loi 79 (Loi sur les contrats des organismes municipaux)

Le 7 novembre 2024, le gouvernement du Québec a déposé à l’Assemblée Nationale le projet de loi 79 (Loi édictant la Loi sur les contrats des organismes municipaux et modifiant diverses dispositions principalement aux fins d’allègement du fardeau administratif des organismes municipaux). Le présent billet est le deuxième d’une série de plusieurs billets au sujet de ce projet de loi et de l’introduction de la Loi sur les contrats des organismes municipaux (LCOM), laquelle entraînerait une refonte majeure des règles encadrant les contrats municipaux. Il a pour sujet la refonte des règles encadrant les contrats municipaux sous l’angle de l’allègement administratif, qui est un thème central du projet de loi.
Harmonisation des règles
D’emblée, il est important de mentionner que l’introduction de la LCOM vise à réunir dans une seule et unique loi les règles encadrant les contrats municipaux. Celles-ci ne seront donc plus réparties dans différentes lois (Loi sur les cités et villes, Code municipal du Québec, Loi sur les sociétés de transport en commun, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal et Loi sur la Communauté métropolitaine de Québec) comme c’est le cas présentement. Le fait de réunir ces règles dans une seule et unique loi constitue certainement en soi un allègement administratif puisque cela va permettre leur harmonisation pour tous les organismes municipaux.
De plus, on remarque que plusieurs des règles prévues à la LCOM sont inspirées de la Loi sur les contrats des organismes publics (LCOP), laquelle vise les organismes publics, tels que les ministères et les organismes des réseaux de la santé et de l’éducation. L’harmonisation des règles encadrant les contrats municipaux aux règles de la LCOP (ou, du moins, la diminution des divergences entre ces règles) constitue également en soi un allègement administratif dont vont bénéficier les entreprises qui font affaires avec les organismes publics et municipaux.
Règlement sur la gestion contractuelle
En plus de ce qui précède, le projet de loi propose de retirer l’obligation pour un organisme municipal de transmettre au ministère des Affaires municipales une copie certifiée conforme de son règlement sur la gestion contractuelle après l’avoir adopté. Dans le mémoire au conseil des ministres pour le projet de loi, il est expliqué que les bénéfices de la transmission au ministère de la copie du règlement « sont très limités, voire nuls ».
Par ailleurs, l’obligation de produire annuellement un rapport concernant l’application du règlement est maintenue. Dans le cadre des travaux en commission parlementaire, certains organismes municipaux ont demandé le retrait de cette obligation, dans l’esprit d’allègement administratif, au motif que le rapport offre peu de contenu significatif pour le public et que dans les faits, la publication des renseignements concernant les contrats conclus au système électronique d’appel d’offres (SEAO) est suffisante.
Autres possibilités d’allègement administratif
Ces modifications seront certainement appréciées par les organismes municipaux. Selon nous, le gouvernement pourrait cependant aller encore plus loin dans l’effort d’allègement administratif. Par exemple, pourquoi ne pas assouplir les règles encadrant l’ouverture des soumissions dans le cadre d’un appel d’offres, en autorisant que celle-ci soit effectuée par des outils technologiques ? Présentement, la LCOM maintient le statu quo à l’effet que les soumissions doivent être ouvertes publiquement. Rappelons que dans le contexte de l’épidémie de COVID-19, les organismes publics et municipaux ont pu procéder par outils technologiques (voir notre billet précédent). Cette manière de procéder permet d’alléger le fardeau des organismes municipaux tout en maintenant la transparence du processus contractuel.
Dans un autre ordre d’idées, la règle à l’effet que, dans le cadre d’un appel d’offres public, l’organisme municipal doit publier un avis dans un journal diffusé sur son territoire ou dans une publication spécialisée dans le domaine pourrait également être revue. Cette règle constitue parfois un casse-tête pour les organismes municipaux, car son application nécessite de coordonner la publication de l’appel d’offres au SEAO avec les dates de tombée et de parution du journal. De plus, dans certaines régions du Québec, on assiste à une disparition des journaux en format papier, ce qui soulève la question de savoir si l’avis peut plutôt être publié dans un journal diffusé en ligne seulement. À ce sujet, notons que, pour les sociétés de transport en commun, la loi 61 (Loi édictant la Loi sur Mobilité Infra Québec et modifiant certaines dispositions relatives au transport collectif), adoptée en décembre 2024, a introduit des modifications par rapport aux règles encadrant la publication de l’avis lesquelles, étonnamment, n’ont pas été reprises dans la LCOM. Plusieurs sociétés de transport ont demandé qu’un amendement au projet de loi soit introduit pour corriger le tir.
Dans le cadre des travaux en commission parlementaire, il a également été question de l’obligation de produire une déclaration d’intégrité. Plusieurs organismes municipaux sont d’avis que cette obligation, dans sa forme actuelle, est excessive, car elle vise tous les contrats (ou presque) et ce, peu importe leur valeur. Ils ont proposé que, dans l’esprit d’allègement administratif, les contrats d’une valeur inférieure à un certain montant, lequel serait fixé par le gouvernement, soient exemptés de cette obligation. Il est selon nous peu probable que le gouvernement soit favorable à cette proposition.
Un dernier commentaire s’impose. Dans sa version actuelle, la LCOM « ajoute » certaines obligations aux organismes municipaux, par exemple, via son article 1, lequel mentionne que cette loi vise à « favoriser la concurrence et à promouvoir l’intégrité et la transparence des marchés publics de façon à assurer une saine gestion des fonds publics ainsi que le traitement équitable des entreprises » et son article 18, lequel mentionne qu’un organisme municipal « doit, avant d’entreprendre une procédure d’attribution pour un contrat, procéder à une évaluation sérieuse de ses besoins ». Certains sont d’avis que l’ajout de ces obligations est en contradiction avec l’objectif de l’allègement administratif prévu au projet de loi. Nous sommes respectueusement en désaccord avec cette affirmation. En effet, ces obligations n’apparaissent pas textuellement dans les lois municipales présentement, mais font sans aucun doute partie du cadre normatif applicable aux organismes municipaux malgré cela. Le fait de les codifier ne constitue pas, selon nous, un ajout aux obligations existantes des organismes municipaux.
Pour conclure, rappelons que ce projet de loi est présentement étudié en commission parlementaire et va donc certainement faire l’objet de modifications avant son adoption. Notre équipe ne manquera pas de vous tenir informés de l’évolution de la situation. Nous vous invitons par ailleurs à consulter notre premier billet, qui a pour sujet certaines des modifications prévues au projet de loi relativement au développement durable en matière de contrats municipaux.