Convention de jouissance paisible en faveur du prêteur

Bailleurs et prêteurs du locataire commercial se retrouvent parfois dans une situation conflictuelle embarrassante. Pour prévenir les remous causés par l’exercice de leurs recours hypothécaires ou autres, certains prêteurs créatifs soumettent aux locateurs une convention tripartite de jouissance paisible. Elle est aussi appelée «convention d’exception en faveur du prêteur»[1].

Qu’y trouve-t-on notamment ?

a)     Une clause obligeant le bailleur à transmettre au prêteur tout avis ou lettre transmise au locataire ;

b)    L’obligation contractée par le bailleur de donner un préavis de 30 jours au prêteur avant d’entreprendre ses recours en cas de défaut ;

c)     Le droit du prêteur de corriger les défauts monétaires seulement ;

d)    Le droit pour le prêteur d’utiliser ou d’occuper les lieux occupés directement ou indirectement (ex. par le syndic) pour gérer ou liquider l’entreprise du locataire ;

e)     Le droit du prêteur de céder, faire céder ou vendre les droits du locataire dans le bail et l’engagement du bailleur envers tout tiers de respecter ses obligations en vertu du bail ;

f)     La responsabilité limitée du prêteur au seul paiement des obligations monétaires au bail, tout autre défaut aux obligations du locataire ne pouvant lui être reproché ;

g)     La subrogation du prêteur qui paie toute somme dans les droits du bailleur ;

h)    Aucune modification au bail ne peut être faite sans l’accord préalable et écrit du prêteur ;

i)      La préséance de la convention sur le bail ;

j)      Le droit du prêteur de se délier d’une décision prise d’occuper les lieux sur réception par le bailleur d’un avis écrit.

On peut comprendre qu’un bailleur soit réfractaire à signer un tel engagement, surtout s’il avait stipulé une clause d’expulsion en cas de défaut au bail. Par la clause (e), il perd aussi le droit de choisir son futur locataire. Toutefois, en refusant de signer la convention de jouissance paisible, il peut priver son locataire de l’avantage d’un financement salutaire. Craindra-t-il d’être poursuivi si son refus cause principalement la faillite de son locataire ? Le dilemme est de taille.

Pour l’instant, à notre connaissance, cette convention n’a pas fait l’objet d’une analyse de ses effets devant les tribunaux québécois. Elle s’apparente aux conventions relatives à une éventuelle prise de possession- toutefois bipartites- qui furent remises en question sous l’angle des abus de droit dans les années 1980 (affaires Saint-Louis Automobiles, (1981) 42 C.B.R. (N.S.) 275 Houle c. Banque Nationale du Canada, [1990] 3 R.C.S. 122, et autres). L’article 7 du Code civil du Québec en est une conséquence. Il est serait intéressant d’être informée de votre part de tout développement à cet égard.


[1] Construction Cogerex Ltée c. Paquette, 2009 QCCS 5449, [2009] J.Q. 14753 (Quicklaw), par. 64 et 284.