La copropriété et l’hypothèque légale de la construction

Cette semaine dans La Presse, Maxime Bergeron écrivait que Montréal avait connu un bond de 126 % pour l’émission des permis de construction. Il rappelait également que le nombre de chantiers d’appartements en copropriété avait atteint un record ce printemps.

La copropriété est très populaire à Montréal, mais pour quelles raisons? L’une des raisons de cet attrait tient-elle à son prix d’achat généralement plus bas que celui d’une maison unifamiliale? Je ne connais pas toutes les raisons, mais je sais qu’elle peut très bien convenir à un large spectre de consommateurs. La copropriété a cependant des règles particulières qui auraient avantage à être connues de tous ceux qui s’y intéressent, que ce soit l’entrepreneur, le promoteur, ou le copropriétaire.

Mon but présent n’est pas de vous faire part de ces règles qui mériteraient une série de billets exclusivement sur la question. Je ne traiterai, dans ce billet, que d’une décision rendue en février 2011 par la Cour d’Appel du Québec traitant de l’hypothèque légale de la construction sur une copropriété dans l’affaire Excavations Panthère inc. c. Maisons Zibeline inc.

Dans cette affaire, la Cour devait principalement décider de la date à laquelle le contrat de construction de certains ouvrages avait été accordé. Cette question s’est révélée être très importante. En effet, le promoteur de l’immeuble détenu en copropriété était propriétaire de la majorité des unités, mais au fil des ventes, ce nombre diminuait. Toutefois, l’entrepreneur qui a participé à la construction et qui souhaite conserver son hypothèque légale doit avoir dénoncé son contrat au propriétaire de l’immeuble s’il n’a pas transigé directement avec lui. Or, cette obligation de l’entrepreneur changeait sans cesse selon qui devenait propriétaire de chacune des unités.

Il a été décidé que la date du contrat était la date à laquelle on pouvait déterminé qu’il y avait eu une rencontre de volontés entre les parties. Cette date tombait, malheureusement pour l’entrepreneur, après que le promoteur ait vendu quelques soixante (60) unités. Il ne lui restait plus que treize (13) condos. Le fait de ne pas avoir dénoncé son contrat aux soixante (60) nouveaux propriétaires est fatal pour l’entrepreneur? La Cour a répondu par l’affirmative et a, en conséquence, ordonné la radiation de l’hypothèque légale enregistrée sur ces unités.

Mais il y a plus. L’entrepreneur avait enregistré une hypothèque légale ne comprenant pas une ventilation par lot. Elle démontrait seulement un montant global pour le coût des travaux et la plus-value équivalente. Les copropriétaires s’opposaient à la validité d’un tel enregistrement qui ne faisait pas de ventilation de la plus-value par unité. L’entrepreneur plaidait quant à lui qu’il n’était pas nécessaire de faire une ventilation puisque l’article 1051 C.c.Q. prévoit que les hypothèques grevant une copropriété sont divisées en fraction suivant leur valeur relative. Cependant, la Cour en est venue à la conclusion que cet article n’est d’aucun secours pour l’entrepreneur puisqu’il ne s’applique qu’aux hypothèques qui sont enregistrées avant la déclaration de copropriété, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

La Cour d’appel a finalement décidé que l’entrepreneur aurait dû ventiler la réclamation, puisque chacun des copropriétaires n’est responsable que pour la plus-value apportée à son unité, et non pas à l’ensemble du projet. Par ailleurs, la Cour a jugé que, dans le cas à l’étude, il ne s’agissait pas d’un vice fatal. C’est-à-dire, que la ventilation n’est pas obligatoire pour la validité de l’hypothèque, puisque même sans la ventilation, l’inscription respecte l’article 2727 C.c.Q., qui prévoit les exigences de la conservation de l’hypothèque.

Cependant, l’entrepreneur a payé le prix de cette omission en ce que la Cour a décidé de ne pas lui accorder les frais de l’appel incident, qu’il avait pourtant gagné.

Cette décision n’est qu’un exemple des multiples particularités de la copropriété démontrant qu’il n’y a pas seulement les futurs copropriétaires qui devraient en analyser les caractéristiques avant de se lancer dans cette aventure!