La cour confirme le droit d’un acquéreur d’un immeuble affublé d’un vice de titres le droit de poursuivre directement un ancien propriétaire de l’immeuble, lequel n’est pas son vendeur direct

C’est ce qu’a clairement décidé la Cour du Québec, le 12 août 2011, dans l’affaire Hébert c. Dazé et Associés, Arpenteurs-géomètres inc. (2011 QCCQ 9538).
Dans cette affaire, un dénommé Hébert a acquis un immeuble d’un dénommé Garceau le 27 novembre 1991.
Il appert que cet immeuble est affecté de vices de titres; en l’occurrence, une servitude de passage, ainsi qu’un empiètement, affectent cet immeuble.
Le dénommé Garceau avait lui-même acquis cet immeuble de François Thouin le 21 novembre 1990.
Ce n’est qu’en 2009 que le demandeur Hébert aurait appris l’existence de ces vices de titres.
La particularité de cette cause tient au fait que le demandeur Hébert, plutôt que d’intenter un recours directement contre son vendeur Garceau, a plutôt décidé de poursuivre directement François Thouin, soit le vendeur de son vendeur, de même que l’arpenteur-géomètre impliqué dans la vente par Thouin à Garceau.
L’avocat de François Thouin a prétendu, dans le cadre d’une requête en irrecevabilité, qu’il n’y avait pas de lien de droit entre le demandeur Hébert et son client François Thouin.
Il faut ici admettre qu’il n’y a jamais eu aucune entente, de quelque nature que ce soit, entre le demandeur Hébert et François Thouin.
François Thouin prétendait donc que le demandeur Hébert ne pouvait poursuivre que son propre vendeur, et non pas l’un ou l’autre des propriétaires antérieurs dans la chaîne des titres de l’immeuble.
À tout le moins, le défendeur Thouin prétendait que le demandeur Hébert ne pouvait le poursuivre directement, et ce, sans inclure dans la liste des défendeurs son propre vendeur, soit le dénommé Garceau, auquel il serait discrétionnaire de poursuivre François Thouin ou non.
En l’instance, il est important de mentionner que les vices de titres suivent l’immeuble depuis 1964.
Le juge Denis Le Reste, dans cette affaire, confirme le droit du demandeur Hébert de poursuivre indépendamment un seul ou plusieurs des propriétaires de cet immeuble depuis 1964.
En d’autres mots, la chaîne des titres existe et elle suit tous et chacun des propriétaires subséquents de l’immeuble.
Le Tribunal souligne la pertinence de l’article 1442 du Code civil du Québec, dans les circonstances, lequel stipule clairement que « Les droits des parties à un contrat sont transmis à leurs ayants cause à titre particulier s’ils constituent l’accessoire d’un bien qui leur est transmis ou s’ils lui sont intimement liés ».
Le juge ne manque pas de faire état de la jurisprudence majoritaire qui établit clairement que les droits personnels qui constituent l’accessoire d’un bien transmis, ou qui lui sont intimement liés, sont transmissibles aux ayants cause à titre particulier.
Il rappelle, entre autres, l’affaire 9041-9086 Québec inc. c. Thibault, Pontiac, Buick Ltée (AZ-50152738), dans laquelle l’Honorable Patrick Théroux a tranché de la même façon dans une affaire similaire.
Dans cette dernière affaire, Ouimette poursuit Bernier, le vendeur de son vendeur Thibault. La particularité de cette affaire réside dans le fait que la vente par Thibault à Ouimette contenait une clause d’exclusion de garantie. Le juge Théroux a conclu, néanmoins, que l’article 1442 du Code civil du Québec est applicable et que le sous-acquéreur Ouimette peut faire valoir directement contre le premier vendeur un droit à la garantie légale de propriété du bien vendu; la clause d’exclusion de garantie contenue au contrat intervenu entre Thibault et Ouimette ne fait pas obstacle à ce recours.
Pour toutes ces raisons, le Tribunal, dans l’affaire Hébert c. Dazé et Associés, Arpenteurs-géomètres inc., estimait donc que le demandeur Hébert avait la possibilité de poursuivre directement l’un ou l’autre des auteurs de la chaîne de titres de l’immeuble, en l’occurrence François Thouin, pour un problème de titres, dans la mesure où ce problème existait lors de la vente antérieure, ce qui était le cas en l’espèce.
Il appert donc clairement que l’article 1442 du Code civil du Québec fait en sorte que plusieurs contrats peuvent former une chaîne contractuelle, entraînant des responsabilités, d’où la possibilité d’un recours direct contre l’un des auteurs en titre en vertu de cet article.