Comment entrer dans le monde de la franchise par la petite porte…

Vous êtes intéressés par le monde de la franchise et voulez devenir un franchisé McDonald’s, Dunkin’Donuts, Pharmaprix ou Canadian tire? Vous pouvez entrer par la grande porte dans le merveilleux monde de la franchise en retenant les services d’un spécialiste chevronné comme mon associé Stéphane Teasdale,  ou bientôt notre nouveau collègue et conseil celui-qui-n’a-pas-besoin-de-présentation-car-il-a-inventé-la-franchise-au-Québec : Me Jean H. Gagnon.

Ou vous pouvez vous y glisser par la petite porte de côté en passant par le Merveilleux Monde de l’Insolvabilité© en contactant votre professionnel de l’insolvabilité favori. En effet, une décision très importante de la Cour d’appel de l’Alberta semble être passée sous le radar des juristes de ces deux sphères de droit, alors qu’elle aura un impact significatif sur la pratique dans le cas de l’insolvabilité d’un franchisé.

Le contrat de franchise

Sans aller dans les détails d’un contrat de franchise, disons qu’il s’agit d’une entente sophistiquée, détaillée et qui permet au franchisé d’utiliser une marque de grande valeur à des conditions strictes et sous le contrôle du propriétaire de la marque, le franchiseur. Pour protéger cette marque, les conditions d’une cession ou d’un transfert sont encadrées avec rigueur et appliquées avec vigueur. À toutes fins pratiques, on considère parfois qu’il s’agit d’un contrat intuitu personae et seule une personne approuvée par le franchiseur peut opérer la franchise après avoir rencontré une série de critères ou de tests, comme par exemple faire un stage à la réputée Hamburger University. Ça existe vraiment, allez voir!

Les contrats et la faillite

Dans les contrats, les clauses de résiliation, automatiques ou sur avis, prévoient normalement que la faillite entraine la résiliation du contrat à l’option du cocontractant solvable. Les contrats de franchise sont au même effet et la franchise prendra normalement fin par la faillite du franchisé, entre autre.

La légalité de ces clauses en droit civil ne fait pas de doute. En conséquence, il était normal de voir des faillites de franchisés se solder par une réalisation minuscule, l’actif le plus important, à savoir l’achalandage et la clientèle disparaissant dès le début du processus de liquidation.

Par exemple, dans le cas d’un concessionnaire d’automobiles neuves franchisé par un grand constructeur, les véhicules neufs et les pièces de rechange étaient souvent la propriété de « Car Manufacturer Credit Acceptance Co» ou encore en consignation.  Après la résiliation de la franchise et la reprise des véhicules et des pièces, il ne restait que quelques recevables, mobiliers et véhicules usagés pour acquitter la créance du prêteur d’opération. Il est fréquent que quelques semaines plus tard, un nouveau concessionnaire achète une nouvelle franchise du même constructeur, souvent pour une somme importante, et commence à opérer dans le même local. Le nouveau concessionnaire bénéficie alors de l’achalandage du failli et c’est le constructeur et non les créanciers qui en profitent.

Les amendements de 2009 à la Lois sur la faillite et l’insolvabilité

En 2009, la Loi sur la faillite et l’insolvabilité a été amendée pour y introduire l’article 84.1.  Cet article, de droit nouveau, autorise un syndic de faillite à vendre un contrat en permettant au tribunal de faillite d’émettre une ordonnance de cession des droits et obligations du failli à un cessionnaire. Une exception s’applique aux contrats qui ne peuvent être cédés « de par leur nature ». Le tribunal ne peut rendre l’ordonnance que s’il est convaincu qu’il sera remédié, au plus tard à la date qu’il fixe, à tous les manquements d’ordre pécuniaire relatifs au contrat, autres que ceux découlant du seul fait que la personne a fait faillite, est insolvable ou ne s’est pas conformée à une obligation non pécuniaire. Les clauses de résiliation pour insolvabilité ou faillite deviennent donc caduques pour les faits et gestes passés du failli. Le cocontractant est donc aussi protégé relativement aux obligations monétaires du contrat.

Le tribunal a une vaste discrétion. Il doit s’assurer que le cessionnaire sera capable d’exécuter ses obligations et qu’il est opportun de lui céder le contrat.

Les franchiseurs appréhendaient donc que cet article soit utilisé à l’égard d’un contrat de franchise et ce qui devait arriver, arriva.

La faillite de Welcome Ford Sales Ltd.

Suite à une fraude interne chez le concessionnaire Welcome Ford en Alberta, Ford Credit a découvert une défalcation de 3.7 M$ dans les inventaires de 7,7 M$ de véhicules neufs qu’elle finançait. Ford Credit a obtenu immédiatement la nomination d’un séquestre. Banque de Montréal, créancier garanti sur les autres actifs pour 2,7 M$ a mis Welcome Ford en faillite forcée 4 mois plus tard. Le syndic de faillite a sollicité exclusivement des concessionnaires Ford  en vue de leur céder le contrat de concession avec Ford Motor Company of Canada Ltd., ce à quoi le constructeur s’objectait avec véhémence. La cession permettait le paiement complet de Banque de Montréal et laissait quelques 570 000 $ pour les créanciers. Le syndic s’adresse donc au tribunal de première instance, qui accordera la permission demandée. Ford Motor porte l’affaire en appel, sans succès : Ford Motor Company of Canada, Limited v. Elcome Ford Sales ltd. 2011 ABCA 158.

La première question en litige concernait la violation du contrat de franchise, incluant le défaut d’opérer depuis des mois. Le tribunal en est venu à la conclusion que ce défaut était le résultat direct du refus de Ford Motor de consentir à une cession du contrat. Le tribunal conclut également que la cession allait permettre de remédier à tous les défauts allégués.

Pour déterminer si les droits résultant du contrat de franchise sont cessibles « de par leur nature », la Cour d’appel de l’Alberta se penche donc sur le cessionnaire, la nature du contrat et l’opportunité de la cession. La Cour conclut qu’il y a un bénéfice clair pour l’actif de la faillite. Le fait de qualifier les obligations comme « personnelles » n’en changeait pas la nature. Selon la Cour, il s’agit d’obligations commerciales normales qui peuvent être exécutées par n’importe quelle personne ayant du capital et une certaine expérience de l’industrie automobile. Ça doit grincher des dents chez Ford….

Ford s’objectait à ce que le cessionnaire, déjà son franchisé, devienne un « franchisé multiple » sans rencontrer ses critères de sélection pour les franchises multiples. Ford Motor devait avoir en mains toutes les informations sur ledit franchisé mais n’a pas mis en preuve une quelconque défaillance du cessionnaire à l’égard de tels critères.

Finalement, la Cour conclut que le consentement de Ford Motor n’est pas requis.

Ford Motor a décidé de ne pas se pourvoir en Cour suprême du Canada. Le franchisé opère maintenant avec succès sa nouvelle franchise, acquise par la petite porte du Merveilleux Monde de l’Insolvabilité© contre le gré du franchiseur.

Ray Rutman      du cabinet Fraser Milner Casgrain représentait Banque de Montréal dans ce dossier.