White Birch, la CSN et la manufacture de balais

Voilà, c’est déjà le dernier blogue de l’année et le temps est propice pour y aller d’un Conte de Noël, qui commence, comme il se doit, par :

Il était une fois…  une manufacture de balais de l’Estrie qui avait fait faillite, à l’époque de la récession des années 82-83 ( il faut faire ici un aparté pour préciser, au bénéfice des tout-petits, qu’il s’agit des années 1900 comme dans 1982 et 1983). C’était la belle époque et les entreprises manufacturières tombaient aussi vite et souvent que les viaducs et les paralumes .

Donc, en ces temps lointains, j’assistais à la première assemblée des créanciers avec mon client, un fournisseur, créancier non-garanti. Il s’agissait d’une faillite de type liquidation  , comme on savait bien le faire dans le temps.

Le propriétaire de l’entreprise était en négociation pour le renouvellement de la convention collective avec un dynamique groupe de camarades de la CSN.  C’était le moindre de ses soucis, car il avait constaté qu’il était impossible de rendre les opérations profitables contre la compétition étrangère. L’entreprise était donc fermée, en grève ou en lock-out. Le patron a donc lancé la serviette (ou était-ce le balai?) et confié les clés au syndic. Ce dernier avait publié en même temps un avis de faillite et un appel d’offres dans un journal local. Le syndic a apporté avec lui à l’assemblée des créanciers les enveloppes contenant les soumissions. Mon client a été nommé inspecteur avec quelques autres créanciers. Le délégué syndical a été nommé simple « observateur » puisque tout le monde savait qu’il était susceptible de ne pas se présenter aux réunions subséquentes et de refuser de signer les relevés de recettes et déboursés du syndic.

Une réunion des inspecteurs et de l’observateur a donc suivi l’assemblée des créanciers. Le syndic a ouvert les soumissions.

Par un hasard qui va vous jeter par terre, un encanteur proposait de tenir un encan avec minimum garanti supérieur de 15% aux autres soumissions, lesquelles présentaient un tir groupé qui fait honneur à la profession. Pas de quoi faire une commission d’enquête  sur une pratique qui consistait à se partager les pages des « avis légaux »de La Presse et The Gazette le samedi matin…avec ou sans Post-it®.

Sur recommandation du syndic, l’offre supérieure est retenue, avec instructions de procéder rapidement à l’encan de l’équipement pour diminuer  le paiement du loyer d’occupation. Les stocks et recevables ont été réalisés par le syndic. Finie la fabrication de balais en Estrie.

L’assemblée des inspecteurs terminée, l’entreprise faillie liquidée pour ne plus jamais revivre, quelle ne fut pas notre surprise d’entendre notre camarade observateur déclarer : « C’est juste une autre tactique de l’employeur pour nous faire accepter des concessions! ».  Vous comprenez pourquoi les créanciers ne voulaient pas d’un représentant syndical comme inspecteur à la faillite, ce dernier n’avait manifestement rien compris du processus et de ses conséquences. Et ils vécurent heureux, avec prestations d’assurance-chômage à l’appui.  –FIN-

Cette anecdote humoristique ne reflète pas du tout le sérieux et la complexité des problèmes auxquels sont confrontés les  syndiqués et les retraités lorsque le Merveilleux monde de l’insolvabilité© frappe le domaine des relations collectives de travail.

Ce qui nous amène à reparler de la papetière White Birch  , celle qui tarde à être vendue pour cause de problèmes de déficit actuariel de son fonds de pension. Empêtrée depuis deux ans dans son C-36, White Birch annonce la fermeture d’une de ses trois usines, celle de Stadacona  dans la Basse-Ville de Québec, période des fêtes oblige…

Il est très difficile pour un syndicat de savoir si les menaces de fermeture sont réelles ou si elles ne sont que des tactiques d’un employeur pour obtenir des concessions d’un syndicat ou d’un groupe de pensionnés. Les régimes à prestations déterminées sont aux prises avec d’importants déficits actuariels, en raison des faibles taux d’intérêts sur les placements et la baisse d’activité économique des entreprises. Plus d’un pensent qu’ Air Canada et Abitibi Bowater n’ont pas réglé leur principal problème en n’obtenant pas des concessions importantes au niveau des fonds de pension.

L’annonce de White Birch a provoqué une réaction du syndicat et du comité des retraités. Ils demandent au tribunal la permission de répondre par une grève à cette fermeture qu’ils considèrent être un lock-out. Ils demandent aussi que les versements de mise à niveau du fonds de pension, qui avaient été suspendus par ordonnance du tribunal, reprennent. Finalement, ils demandent que le déficit du fonds de pension ait priorité sur le prêt temporaire DIP.

Une partie de ces demandes est déjà en délibéré avec l’Honorable Robert Mongeon, qui assure la gestion particulière de ce dossier à la Cour supérieure du Québec. Va-t-il donner un coup de balai ou passer un papier à une des parties?

Il y aura de la matière pour un Conte du Nouvel An. À suivre…