Prévenir la corruption et favoriser la transparence dans l’industrie de la construction

La Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements confidentiels, communément appelée Loi sur l’accès à l’information, s’applique aux différents organismes publics, dont ceux octroyant des contrats de construction.

Pour le commun des mortels, le titre de cette loi laisse croire que les organismes publics doivent fournir les documents ou informations demandés par un requérant.

Or, lorsque confrontés à l’application de cette loi, force est de conclure que les organismes l’appliquent à l’effet contraire, à savoir que tous les documents et/ou informations détenus par les différents organismes publics gouvernementaux sont considérés confidentiels, jusqu’à preuve du contraire.

Ceci est particulièrement vrai en matière d’accès aux contrats publics octroyés par les différents organismes publics, y compris la documentation s’y rattachant. En effet, ces organismes publics, lorsque confrontés à une demande d’accès à l’information, refusent la plupart du temps de dévoiler les documents demandés. Ils invoquent souvent les motifs ci-après, basés sur les articles 9, 23, 24, 37 et 38 de la loi :

  • les documents demandés constituent des notes personnelles;
  • les documents demandés constituent des brouillons;
  • il s’agit de documents d’un tiers de nature confidentielle tels qu’un renseignement financier, un secret industriel;
  • les documents demandés concernent un avis;
  • les documents demandés concernent une recommandation ou une analyse.

Il faut comprendre que ces demandes et les décisions rendues se situent souvent dans le cadre de processus d’appel d’offres où le contrat doit être octroyé au soumissionnaire le plus bas conforme, ou dans le cas d’un appel d’offres par pondération où le contrat doit être octroyé à celui ayant obtenu le plus haut pointage. Dans tous les cas d’appel d’offres par pondération, tous les documents ayant servi à l’analyse des différentes soumissions seront considérés comme étant de nature confidentielle et non accessibles.

Par conséquent, le soumissionnaire évincé ne pourra savoir pourquoi sa soumission a été rejetée, faute d’avoir accès aux documents pertinents.

En effet, prenons l’exemple du soumissionnaire évincé ayant fait une demande d’accès à l’information à un organisme public afin d’obtenir les analyses du comité d’évaluation des différentes soumissions déposées. Selon l’interprétation de la loi donnée actuellement par les organismes, cette demande sera refusée. Si le soumissionnaire désire contester cette décision, il devra présenter à une demande de révision devant la Commission d’accès à l’information.

D’ailleurs, lorsque la demande d’accès à l’information à l’organisme public est substantielle, le processus de demande de révision pourra s’étaler sur plusieurs années avant qu’une décision ne soit rendue par la Commission d’accès à l’information, cela sans compter la possibilité d’une éventuelle demande de révision judiciaire devant les tribunaux de droit commun.

Cette procédure et les délais qui en découlent découragent la plupart des gens qui n’ont ni le temps, ni les moyens de l’entreprendre ou la mener à terme.

En conséquence, la perception des gens est que les donneurs d’ouvrage publics ont quelque chose à cacher.  Cela s’avère tout à fait contraire au processus de transparence et d’équité qui doit se dégager de la procédure d’appel d’offres.

Pourtant, en octobre 2008, la nouvelle Loi sur les organismes publics est entrée en vigueur.  Elle s’applique à la plupart des organismes publics appartenant à l’État. Un des buts visés par cette loi est énoncé à l’article 2 et prévoit que cette loi « vise à promouvoir : la transparence dans les processus contractuels; (…) le traitement intègre et équitable des concurrents ».  Cet objectif fondamental de cette loi d’ordre public nous a laissé croire, au moment de son adoption, que la Commission d’accès à l’information tiendrait compte de cette disposition dans ses décisions futures.

Or, il n’en est rien. Quoique cette loi soit d’ordre public, la Commission d’accès à l’information ne semble pas en tenir compte lorsqu’on étudie la jurisprudence depuis octobre 2008.

Dans le contexte actuel et notamment vu la Commission d’enquête Charbonneau à venir, nous sommes d’avis et proposons, comme mesure immédiate, que le législateur amende la Loi sur l’accès à l’information pour que la loi prévoie que tous les documents déposés auprès d’un donneur d’ouvrage public, tels que :

  • les soumissions;
  • les contrats signés;
  • tous documents liés aux coûts supplémentaires réclamés par des entrepreneurs;
  • tout le processus d’analyse entourant le processus d’appel d’offres;

soient publics, à moins d’exceptions spécifiques.

Ainsi, toute la documentation dans le cadre de contrats intervenus avec des organismes publics serait publique, incluant tout le processus d’analyse de l’appel d’offres et du coût de l’exécution du contrat.

La meilleure arme contre l’apparence de corruption est la transparence. Il s’agit de la seule façon de s’assurer de l’intégrité du processus d’appel d’offres et de l’intégrité contractuelle liée aux coûts supplémentaires.

Nous sommes d’avis que ces amendements permettraient de redonner confiance au public vis-à-vis l’État et l’industrie de la construction en général.