Le franchisé (sous-locataire) et l’obligation d’information du locateur

Le chemin habituellement parcouru par un sous-locataire se disant lésé par les agissements d’un locateur est de se tourner vers son locataire principal.  Il y a aussi l’article 1876 du C.c.Q. qui permet à un sous-locataire de faire exécuter les obligations du locateur si ce dernier ne s’exécute pas, mais il est fréquent que le bail principal prévoit que le sous-locataire renonce à ce droit.

Cependant, le recours extracontractuel n’est pas à négliger et est ouvert à un sous-locataire, tel qu’il en a été décidé par la Cour supérieure sous la plume du juge Pierre Nollet le 21 novembre 2011 dans l’affaire 2855-0523 Québec inc. et al. c. Ivanhoé Cambridge inc. et MMMuffins Canada Corporation – (2011 QCCS 6624).

Les faits de l’affaire

La foire alimentaire du centre commercial Rockland sera relocalisée au 3e étage, impliquant par le fait même, la relocalisation de ses occupants.  Un nouveau compétiteur sera installé à l’entrée de la foire alimentaire sans qu’ait été informé le franchisé (partie demanderesse) quant à la nature exacte du compétiteur.

De plus, ce qui est bien important de souligner dans la présente affaire et qui en fait un jugement particulièrement intéressant est que le bail principal ne contient aucune clause d’exclusivité.

Alors, bien que le bail principal ne bénéficie d’aucune clause d’exclusivité, tel que susdit, le franchisé, à titre de sous-locataire, reproche au locateur (partie défenderesse) d’avoir retenu de l’information utile quant à la nature du compétiteur, puisque le franchisé n’aurait peut-être pas renouvelé le terme de son entente s’il avait su.

Le locateur plaide l’absence de lien de droit entre lui et le franchisé, ce dernier étant un sous-locataire et ajoute que s’il devait être condamné à indemniser le franchisé, ce serait le franchiseur (partie défenderesse en garantie) qui devrait être condamné à l’indemniser.

Le franchiseur quant à lui plaide qu’il n’a manqué a aucune de ses obligations en vertu du bail et qu’il n’y a aucune solidarité entre le franchiseur et le locateur.

L’une des questions en litige

Dans le cadre du présent billet, je voulais mettre en relief l’une des questions, laquelle est la suivante :  Le franchisé a-t-il un recours extracontractuel contre le Locateur?

Le juge s’interrogea à savoir si le locateur avait commis une faute extracontractuelle vis-à-vis le sous-locataire et il mit en lumière les dispositions de l’article 1457 du C.c.Q., lequel se lit comme suit :

« 1457.  Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.

Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde. ».

De plus, le juge examina la conduite du Locateur sous l’angle d’un locateur normalement prudent et diligent et se posa les cinq questions suivantes :

  1. Les représentations avant le déménagement;
  2. L’obligation d’information et la bonne foi;
  3. La concurrence déloyale;
  4. Le défaut d’examiner les impacts sur le franchisé; et
  5. Le refus de prendre quelque mesure correctrice que ce soit.

L’une des questions ayant retenu l’attention du juge est celle se trouvant en 2e position, soit l’obligation d’information et de bonne foi du locateur.

Ainsi, dans la cascade des évènements étant survenus, monsieur le juge Nollet a retenu que le locateur connaissait de l’information déterminante et la norme de conduite attendue d’un locateur est qu’il ne pouvait retenir de l’information qu’il sait pertinente pour le tiers, surtout s’il traite directement avec ce dernier.  Il ajoute que le locateur n’a pas fait preuve de transparence, s’agissant ainsi d’un comportement s’apparentant à de la mauvaise foi.

En conclusion

Le juge Pierre Nollet dans cette affaire jugea donc que le locateur aurait commis une faute extracontractuelle et que le recours extracontractuel était ainsi ouvert au franchisé.

Cette décision avait retenu particulièrement mon attention, puisqu’elle confirme l’obligation d’information du locateur vis-à-vis une tierce partie, en l’occurrence, un sous-locataire, bien qu’il n’y ait aucune obligation contractuelle entre ceux-ci et aussi, bien qu’aucune clause d’exclusivité ne fasse partie du bail principal.

Cette décision fut portée en appel, il sera intéressant de voir ce que la Cour d’appel du Québec décidera.  Insistera-t-elle sur l’opportunité pour un tiers de se prévaloir d’un recours extracontractuel?