Les femmes et le monde des affaires

La condition féminine tout comme le monde des affaires sont des sujets qui éveillent les passions. Et si vous poussez l’audace jusqu’à traiter de la place des femmes dans le monde des affaires, soyez prêts! Inévitablement, les réactions se bousculeront et il faudra, afin d’encourager une véritable réflexion, éviter les formules préconçues (et il en aura assurément une ou deux dans ce court texte) et demeurer rationnel tout en tentant d’être l’artisan du changement!

Certes, la condition de la femme a progressé considérablement au cours des dernières décennies (je vous avais avertis). Pour les septiques, je vous recommande fortement une dose de l’émission populaire Mad Men qui dépeint un portrait fascinant des relations hommes-femmes dans le monde des affaires des années 60.

Malgré tout le progrès, les distinctions persistent (encore une fois…). En fait, et il s’agit probablement de l’un des défis des groupes féministes modernes, plusieurs femmes sont coincées entre la reconnaissance des progrès de la condition féminine, et le désir de continuer le progrès d’une situation que plusieurs qualifient d’enviable.

À mon avis, il s’agit aussi de l’un des défis auxquels devra faire face la Table des partenaires influents coprésidée par Mme Monique Jérôme-Forget et M. Guy Saint-Pierre.

La formation de la Table des partenaires influents, annoncée en janvier 2012,  est une initiative saluée par plusieurs. Ayant pour mandat de «proposer des moyens concrets afin d’augmenter le nombre de femmes au sein des conseils d’administration et dans la haute direction des grandes entreprises privées québécoises cotées en Bourse», la création de ce comité semble un excellent projet afin d’élargir le spectre des démarches lancées par la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État et de rejoindre le secteur privé.

En fait, la création de la Table des partenaires influents survient peu après l’arrivée de la date butoir du 14 décembre 2011, après laquelle les sociétés d’État québécoises devaient en théorie avoir des conseils d’administration constitués à parts égales de femmes et d’hommes.  Un article fort intéressant de Jocelyne Richer paru sur cyberpresse.ca nous apprend que les 22 sociétés d’État touchées par la Loi représentent 269 postes d’administrateurs.  Cinq ans après l’entrée en vigueur de cette disposition, 141 postes, soit plus de la moitié des sièges, sont désormais détenus par des femmes. Malgré l’apparent succès de cette démarche législative, précisons que 9 de ces 22 sociétés d’État sont toujours délinquantes. Ajoutons également que la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État ne prévoit pas de mécanisme contraignant afin de forcer la nomination de femmes au sein d’un conseil d’administration,  ce qui nous laisse croire que les bonnes intentions ne sont pas toujours suffisantes pour forcer le changement.

Les femmes n’occupant que 14% des postes de hauts dirigeants des grandes entreprises privées, nous nous devons d’élargir le spectre de nos efforts. Mme St-Pierre, Ministre de la condition féminine, a déclaré ne pas avoir l’intention d’imposer de quotas aux grandes entreprises privées pour le moment. Malgré tout, et là réside toute la complexité du mandat, il est nécessaire d’en arriver à des suggestions concrètes.

Il sera intéressant de voir quelles seront les solutions proposées par le comité. En effet, bien que la diversité au sein des C.A. soit incontestablement une valeur ajoutée, la parité forcée est une approche qui ne fait pas l’unanimité.  

Certains diront que le risque premier est la remise en question de la compétence. Dans la situation économique actuelle, la confiance des investisseurs vaut son pesant d’or; elle est difficilement gagnée, et facilement perdue. Bien qu’il s’agisse certainement d’un facteur à considérer, je crois qu’il faut relativiser. Au cours des dernières années,  les femmes se sont taillées une place de plus en plus prédominante tant dans les milieux universitaires que dans les sphères académiques et politiques ainsi que dans le milieu professionnel. Parmi toutes celles qui sont au sommet ou qui ont le potentiel de figurer dans les tops 50 des magazines Time, Forbes et autres, il m’est inconcevable de penser qu’une entreprise privée n’y trouvera pas son compte.

À mon avis, si l’imposition d’une parité forcée amène à douter de la compétence de celles qui se retrouvent dans les postes de dirigeants, le  problème en est un de perception. Prouvant ainsi qu’il faut persévérer afin de faire progresser les mentalités, ce qui prend du temps.

La clé de l’évolution est selon moi l’éducation du public. N’ayons pas peur d’utiliser les médias, de publier les histoires à succès des femmes de notre entourage et de leur offrir notre support afin que le visage de ces femmes soit associé à leurs réalisations.

Malgré tout, reconnaissons qu’une femme est une femme et qu’un homme est un homme et qu’une réelle égalité passe parfois davantage par la reconnaissance et la valorisation de nos différences.

En terminant, je lève mon chapeau à l’initiative des membres de la Table des partenaires influents!